Décisions récentes (Printemps 2023)

Une aide de suppléance à l’audition reconnue par l’assistance médicale

Le travailleur, sergent détective, est atteint d’une surdité neurosensorielle depuis 2015. En 2022, considérant une détérioration de son acuité auditive, il dépose à la CNÉSST une demande d’assistance financière pour se procurer un système de transmission sans fil et d’amplification sonore. Cette aide de suppléance à l’audition, pourtant nécessaire à son travail, est refusée par la CNÉSST, au motif qu’elle ne répond pas aux critères prévus à la loi. Le travailleur conteste la décision au Tribunal.

Le travailleur demande une assistance financière pour se procurer le système en question pour ses difficultés importantes à entendre la télévision et les enregistrements d’interrogatoires réalisés pour ses enquêtes. La CNÉSST, alléguant que le paiement du système est autorisé dans le cas où l’atteinte est, au moment de la reconnaissance de la lésion professionnelle, d’au moins 55 décibels à la meilleure oreille, ou d’au moins 41 décibels à la meilleure oreille si elle présente une difficulté importante à entendre la télévision ou la radio, elle refuse sa demande. En effet, les seuils d’audition du travailleur étant de 30 décibels à l’oreille gauche et 28,75 décibels à l’oreille droite.

Pour le Tribunal, la CNÉSST a tort de s’appuyer sur les critères qu’elle invoque pour rejeter la demande du travailleur, puisque ni la loi ou le règlement ne prévoit de seuil minimum de surdité. De plus, avant l’entrée en vigueur du nouvel article 152 Latmp, la jurisprudence a reconnu à plusieurs reprises que les aides auditives constituaient des mesures de réadaptation sociale. Toutefois, le mot notamment ayant été retiré de cet article, les mesures prévues sont maintenant limitatives et n’incluent pas le système demandé par le travailleur.

Ainsi, ce n’est pas par l’entremise de la réadaptation sociale qu’il faut examiner la situation, mais par les règles encadrant le droit à l’assistance médicale. Même si l’atteinte permanente n’est pas importante (0,51 %), une partie substantielle de la perte auditive résulte de la maladie professionnelle. Puisque le travailleur satisfait aux exigences pour se voir accorder un système de transmission sans fil et d’amplification sonore, le Tribunal accorde sa demande en vertu des articles 188-189, 194 Latmp et du Règlement sur l’assistance médicale.

Tardif et Ville de Sherbrooke (Police & 911), 2023 QCTAT 766.

Un employeur s’introduit dans une procédure d’évaluation médicale

Le travailleur, engagé par l’entremise du Programme des travailleurs étrangers temporaires, travaille depuis 2015 dans une usine de transformation de viande. En avril 2020, il commence à ressentir des douleurs aux doigts et aux mains. Près d’un an plus tard, à la suite d’un suivi médical, il dépose une réclamation à la CNÉSST dans laquelle il mentionne relier sa condition à son travail. Malgré le défaut de respecter le délai de six mois pour déposer sa réclamation, la CNÉSST accepte sa réclamation. L’employeur conteste la décision au Tribunal et soulève comme moyen préliminaire l’irrecevabilité de la réclamation parce que produite hors délai.

Lors de sa première consultation médicale, en juin 2020, le travailleur, qui s’exprime difficilement en français, est dirigé vers un médecin retenu par son employeur et accompagné par la directrice des relations humaines pour servir d’interprète. Ce médecin n’établit aucun lien entre les douleurs aux mains et le travail du travailleur et le dirige vers un deuxième médecin. Le travailleur est ensuite accompagné d’un consultant en prévention chez l’employeur, qui ne traduit pas la conversation et lui mentionne de ne pas parler au médecin de son travail. Malgré un diagnostic de ténosynovites sténosantes et la nécessité d’une chirurgie, aucun lien n’est fait avec le travail. Informé par son représentant, en mars 2021, que sa lésion est reliée au travail, ce n’est qu’à ce moment qu’une réclamation est déposée à la CNÉSST.

Étant donné une procédure d’évaluation médicale intrusive dans sa vie privée, le Tribunal considère que plusieurs éléments permettent d’excuser le travailleur pour son hors délai: le premier médecin consulté, choisi par l’employeur, contrevient à la loi qui mentionne que le travailleur a droit aux soins du professionnel de la santé de son choix; les consultations médicales, assujetties à des visites accompagnées d’un préposé de l’employeur, étaient arrangées avec un médecin pour qu’il rencontre plusieurs employés la même journée; une lettre du médecin traitant adressée à une représente de l’employeur indique une proximité inacceptable; enfin, la crainte de perdre son emploi, effectivement perdu, explique que le travailleur ait tardé pour déposer sa réclamation.

Pour le Tribunal, ces éléments constituent des motifs raisonnables pour relever le travailleur d’avoir déposé sa réclamation hors délai.

Viandes Lacroix inc. et Ligue, 2022 QCTAT 5479.
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