Carol Angel Cravero
J’ai commencé à travailler comme pâtissière en février 2019, dans un restaurant construit sur quatre étages. Je devais me déplacer d’un étage à l’autre pour faire mon travail et accéder au matériel et produits nécessaires à la préparation des pâtisseries. En plus de monter et descendre les escaliers à longueur de journée, je travaillais et dînais même debout, sans avoir de pauses pour me reposer. Graduellement, j’ai commencé à ressentir une douleur à la jambe droite qui s’est intensifiée au point de devenir insupportable. J’ai reçu un diagnostic de syndrome fémoro-patellaire du genou droit en octobre 2019 et de tendinite des ischio-jambiers droits en juillet 2020. J’ai déposé une réclamation à la CNÉSST qui a été refusée. C’est à ce moment que j’ai contacté l’uttam pour mieux connaitre mes droits et recevoir l’aide nécessaire pour poursuivre ma bataille, parce que seul ce travail était responsable de l’apparition de ces diagnostics.
Durant les six premiers mois de mon emploi, je travaillais à plein temps et faisais beaucoup de temps supplémentaire. Comme il n’y avait pas de monte-charge, je devais continuellement me promener sur quatre étages en utilisant de longs escaliers étroits et encombrés de caisses, en transportant des charges d’au moins 10 kg. Pour éviter les chutes, surtout lorsque je me déplaçais avec des plaques de cuisson qui m’empêchaient de voir les marches, je devais les monter et descendre une à la fois en utilisant ma jambe droite en premier, puisque je suis droitière. Je devais aussi utiliser des escabeaux pour accéder aux produits et outils rangés sur des tablettes. J’étais donc continuellement debout et en mouvement toute la durée de mon quart de travail. J’ai alors commencé à ressentir d’importantes douleurs où, en octobre 2019, j’ai reçu une infiltration pour mon syndrome fémoro-patellaire et pour lequel j’ai pris congé quelques jours pour laisser reposer ma jambe. J’ai toutefois décidé de poursuivre mon travail, puisque mon employeur comptait sur moi pour la période des fêtes. Aussi, je n’osais pas trop lui en parler, puisqu’il faisait pression sur moi pour éviter que je dépose une réclamation à la CNÉSST. Devant sa colère, j’avais peur de perdre mon emploi et mon permis de travail et, conséquemment, de ne pourvoir obtenir ma résidence permanente.
Après les fêtes, comme le restaurant était fermé en raison de la Covid 19, je suis demeurée à la maison, mais mon genou a commencé à s’ankyloser. Je suis retournée au travail graduellement au mois de mai et j’ai repris mon travail habituel au mois de juin. Comme je devais regarnir les réfrigérateurs de pâtisseries, mon travail était très intense et les douleurs sont devenues insupportables. J’ai donc dû cesser le travail au début du mois de juillet et, malgré les pressions de mon employeur, j’ai déposé une réclamation à la CNÉSST, parce que j’étais décidée à me battre! Ma réclamation a été refusée par la CNÉSST et par la révision administrative, mais avec l’uttam, nous avons contesté la décision au Tribunal.
L’uttam m’a ensuite suggéré de rencontrer un médecin spécialisé en médecine du travail pour obtenir une opinion médicale sur la relation entre mes diagnostics et mon travail. Avec une description de tâches très élaborée et des photos à l’appui, je me suis rendue à cette visite médicale pour être évaluée. Ce médecin a conclu dans son rapport qu’il y avait un lien causal entre mes douleurs et mon travail de pâtissière. L’uttam m’a ensuite aidée à me préparer pour l’audience qui me rendait très nerveuse.
Bien que le Tribunal n’ait pas reconnu mon syndrome fémoro-patellaire, puisque ma réclamation n’était pas déposée dans les six mois de ma consultation d’octobre 2019, j’étais bien décidée à me battre pour ma tendinite des ischio-jambiers droits qui était réclamée dans le délai. Lors de l’audience, même si mon employeur m’a traitée de menteuse et a fait témoigner une collègue pour essayer de me discréditer, le Tribunal a retenu que son témoignage ne permettait pas d’écarter ma version des faits. L’expert de l’employeur a aussi tenté d’écarter la relation entre ma tendinite et mon travail, au motif que je n’avais pas de symptômes à ma jambe gauche. Le Tribunal a rappelé que j’initiais mes déplacements dans les escaliers et les escabeaux avec ma jambe droite et a retenu l’opinion médicale de mon médecin expert à l’effet que ma tendinite était clairement le résultat d’une surutilisation.
Le Tribunal a donc reconnu que l’opinion de mon médecin expert était plus rigoureuse et complète que celle de l’employeur et que ma tendinite est effectivement une maladie professionnelle. Je suis très fière de m’être battue jusqu’au Tribunal pour faire reconnaitre ma lésion professionnelle et d’avoir été aidée par l’uttam pour gagner cette bataille!