Lésions professionnelles en 2023 : le deuxième pire bilan des dix dernières années

Chaque année, à l’occasion de la Journée internationale de commémoration des victimes du travail, la CNÉSST publie les principales statistiques sur les lésions professionnelles survenues l’année précédente. Cette année, c’est le 26 avril 2024 que la Commission publiait son traditionnel communiqué avec les chiffres pour 2023.

Dans ce communiqué dithyrambique, publié deux jours avant la journée commémorative, la CNÉSST prétendait observer une « Baisse marquée des lésions professionnelles ». Elle se réjouissait ainsi d’une prétendue diminution du nombre d’accidents et de maladies du travail par rapport à 2019 tout en vantant ses efforts de prévention11.

Dans la foulée de ces résultats, l’Assemblée nationale du Québec adoptait, la veille du communiqué de la CNÉSST, une motion sans préavis soulignant les « chiffres encourageants » concernant le nombre de lésions professionnelles en 2023. Le ministre du Travail, lui-même, brossait un tableau élogieux de la situation, affirmant « Je suis heureux de constater la baisse des lésions professionnelles. Nous avons agi pour la prévention dans les dernières années, notamment en mettant en œuvre la Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail. Nos efforts semblent donner de bons résultats. […] ».

Pourtant, l’examen réel des chiffres sur le nombre des lésions professionnelles acceptées en 2019 et en 2023 démontre que cette prétendue baisse du nombre de lésions professionnelles est totalement fausse. Les communications de la CNÉSST et du ministre du Travail sur ces résultats prétendument positifs apparaissent davantage comme un exemple de la façon dont on peut manipuler les chiffres et leur faire dire le contraire de la réalité.

En effet, les travailleuses et travailleurs ont subi en 2023 près de 7 000 lésions professionnelles de plus qu’en 2019 : il y a eu en tout 114 345 lésions professionnelles reconnues par la CNÉSST en 2023 contre 107 465 en 2019. En fait, l’année 2023 n’a rien d’encourageant, puisqu’elle est la pire des dix dernières années quant au nombre d’accidents et de maladies du travail, à l’exception de 2022.

Pour être en mesure de présenter ses chiffres sous un jour favorable, la CNÉSST a artificiellement retiré les lésions attribuables à la Covid-19 de ses chiffres de 2023. La CNÉSST a pourtant le devoir de coordonner les efforts de prévention à l’égard de tous les risques au travail, incluant les nouveaux risques qui apparaissent et se développent, que ce soit la Covid-19 ou tout autre risque émergeant. Rien ne justifie qu’on retire les lésions attribuables à la Covid des chiffres, pas plus qu’il ne serait acceptable de retirer ceux qui concerneraient une lésion causée par un nouveau produit chimique ou une nouvelle maladie sous prétexte que ce risque n’existait pas dans le passé.

On peut voir le nombre total de lésions professionnelles reconnues par la CNÉSST, pour chacune des dix dernières années dans le tableau suivant (incluant les lésions attribuables à la Covid-19, de 2020 à 2023) :

AnnéeLésions professionnelles acceptées (accidents + maladies du travail, incluant Covid-19 depuis 2020)2
201488 046
201587 618
201690 414
201796 135
2018103 406
2019107 465
2020104 732
2021105 692
2022161 962
2023114 345

Comme on peut le voir, l’année 2023 n’est une amélioration que par rapport à l’année catastrophique qu’a été 2022. Le nombre d’accidents et de maladies du travail en 2023 a été supérieur à celui des années 2020 et 2021 qui incluent aussi les lésions attribuables à la Covid. La tendance générale à la hausse des lésions professionnelles, observable depuis 2014, se poursuit. On est en effet passé de 88 046 en 2014 à 114 345 lésions professionnelles en 2023, ce qui représente une hausse de près de 30 % sur dix ans.

Bref, la prétendue baisse du nombre de lésions professionnelles n’est rien de plus qu’un exercice de communication de la CNÉSST sans base réelle et rien n’indique que l’entrée en vigueur du régime intérimaire de prévention, en avril 2022, ait permis d’améliorer les choses jusqu’ici.

Références

  1. On peut consulter ce communiqué CNÉSST à l’adresse suivante : https://www.cnesst.gouv.qc.ca/fr/salle-presse/communiques/commemorons-personnes-decedees ↩︎
  2. Voir les rapports « Statistiques annuelles » de la CNÉSST de 2014 à 2022, disponibles sur le site de la CNÉSST. ↩︎
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