Décisions récentes (Été 2024)

Article 152 Latmp : les autres mesures de réadaptation prévues par règlement…

Le travailleur, victime d’une rechute, récidive, aggravation, une discopathie lombaire avec hernie discale sur radiculopathie ayant nécessité une greffe lombaire, est consolidé avec une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles de classe IV. Compte tenu de sa condition médicale, il demande le remboursement de différents frais de réadaptation. La CNÉSST lui refusant l’ensemble des remboursements demandés, le travailleur conteste les décisions au Tribunal.

L’article 146 Latmp permet au travailleur, consolidé avec atteinte permanente et limitations fonctionnelles, de bénéficier de Mesures de réadaptation après la consolidation, dont le contenu du programme est énoncé à l’article 152 de la Loi. Avant que la loi ne soit modifiée, l’emploi de l’expression « peut comprendre notamment » indiquait que cet article ne se limitait pas aux seules mesures énoncées.

Depuis le 6 octobre 2022, cet article prévoit désormais une liste limitative aux situations qui y sont énoncées. Bien que son paragraphe 6º prévoit maintenant que d’autres mesures de réadaptation, dans les cas et aux conditions prévus par règlement peuvent être comprises au programme de réadaptation, le Tribunal constate d’abord qu’un tel règlement n’a toujours pas été adopté à ce jour et donc que le législateur n’a pas énoncé quels sont les cas ni les conditions aux autres mesures.

Devant ce constat, le Tribunal rappelle que non seulement la loi est d’ordre public, ayant un caractère hautement social, mais qu’il est reconnu par la jurisprudence qu’elle doit recevoir une interprétation large et libérale, de façon à atteindre son objet, soit la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu’elles entrainent pour les bénéficiaires.

En l’espèce, le travailleur demande le remboursement de frais pour l’acquisition d’un lit électrique, l’installation d’une plateforme élévatrice à son domicile, l’acquisition et l’installation d’un fauteuil monte-escalier pour accéder au sous-sol et d’un treuil de levage motorisé pour son véhicule automobile. Les mesures demandées respectant l’esprit des dispositions de réadaptation sociale contenues dans la loi, soit les articles 151 et 152, le Tribunal accueille l’ensemble des contestations du travailleur et autorise le remboursement des frais des mesures de réadaptation, afin de pallier ses difficultés.

Légaré et Raymond Therrien & Fils inc., 2024 QCTAT 575.

Hors délai : une condition précaire constitue un motif raisonnable

Le travailleur, emballeur pour une entreprise de fabrication de bois de construction, subit une lésion professionnelle en 2015. En décembre 2019, la CNÉSST rend une première décision portant sur son atteinte permanente et une deuxième, en février 2020, sur sa capacité d’occuper un emploi de préparateur d’aliments. Le travailleur conteste les deux décisions, mais hors délai, en mars 2021. Compte tenu du refus de la CNÉSST de procéder à la révision, le travailleur conteste cette décision au Tribunal administratif du travail.

Saisi du litige, le Tribunal, soulignant devoir faire preuve de souplesse, surtout lorsque la situation entraine la déchéance d’un droit, doit déterminer si le travailleur possède un motif raisonnable justifiant le dépôt de sa demande de révision hors délai. Il rappelle ainsi qu’un motif peut être qualifié de raisonnable lorsqu’il est « non farfelu, crédible et qui fait preuve de bon sens, de mesure et de réflexion ». Il ajoute qu’en présence d’un motif raisonnable, la victime doit aussi démontrer avoir agi de façon diligente.

De l’avis du Tribunal, en l’absence d’une aide extérieure pouvant lui expliquer les conséquences des décisions reçues de la CNÉSST, le travailleur ne dispose pas d’une maîtrise de la lecture suffisante pour comprendre la portée d’une décision, de même que le mécanisme de contestation. De plus, ses nombreux changements d’adresse, sa condition récurrente d’itinérance et des problèmes de consommation font qu’il se trouve dans une situation de désorganisation. Par conséquent, son impossibilité de comprendre une décision écrite ajoutée à la précarité de sa situation globale constitue un motif raisonnable.

Pour le Tribunal, dès qu’il a compris qu’il était possible de contester la décision, le travailleur a tenté de trouver de l’aide auprès d’un bureau d’aide juridique, ce qui démontre qu’il a agi de la façon la plus diligente possible eu égard à sa condition. Le travailleur étant une personne vulnérable et démunie, son comportement ne peut donc être attribué à de la négligence. Ne s’agissant pas simplement d’une méconnaissance de la loi, mais d’une incapacité même à subvenir à ses besoins, le Tribunal relève le travailleur de son défaut d’avoir contesté sa décision hors délai et conclut à la recevabilité de sa demande.

Beaulieu et Moulins LPM inc., 2024 QCTAT 1297.
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