En grève contre l’arrogance patronale

Virginie Robert

Dans le secteur de Lachine, un groupe de 12 syndiqués est en grève depuis le 7 octobre 2024. Opérateurs et manutentionnaires dans un entrepôt de produits chimiques, Brenntag, les grévistes ont décidé d’user de leur droit de grève, après plusieurs mois de négociation, devant l’immobilisme de l’employeur face à leurs revendications salariales.

Il faut savoir que les travailleurs de l’entrepôt de Lachine accusent un retard salarial vis-à-vis leurs confrères de l’usine voisine de Beauharnois du même employeur, alors qu’ils opèrent, eux aussi, avec des produits chimiques et dans un contexte de travail qui peut rapidement tourner au vinaigre. Manifestement, ces travailleurs souhaitent que leur travail soit reconnu à sa juste valeur et que leur sécurité financière soit assurée à long terme.

Cependant, dès que la question salariale s’est posée, l’employeur, une multinationale allemande, a tourné les talons à la revendication syndicale en proposant une offre finale de 3% de moins que la demande syndicale. L’offre patronale ayant été refusée à 100% par le syndicat, l’employeur a aussitôt amorcé la réorientation de ses affaires vers d’autres usines, notamment de l’Ontario, se préparant visiblement à un conflit. Mais le syndicat a tôt fait de voir anguille sous roche et a donc déclenché son mandat de grève!

Quand le patronat joue les gros bras

Depuis le 7 octobre, l’employeur ne donne plus aucun signe d’ouverture à la négociation. Bien au contraire, il a plutôt choisi la voie de la peur et de l’affaiblissement du moral des troupes. En effet, à l’approche des 30 jours de grève, il a récemment fait l’annonce de la fin du régime d’assurance collective des salariés. Bien que la Loi sur l’assurance médicaments permette à l’employeur de mettre fin à la protection lors d’un conflit, c’est par la menace d’y mettre fin rétroactivement au jour du déclenchement de la grève – ce qui n’est évidemment pas permis – que l’employeur a poursuivi son mépris envers ses salariés. Pour les syndiqués de Brenntag, l’annonce a été reçue comme un vrai coup de barre. Plusieurs des travailleurs étant la seule source de revenu familial et donc seul détenteur d’un régime d’assurance au sein de la famille, la fin du régime de protection a assurément élevé d’un cran l’anxiété des grévistes, mais a aussi permis de renforcer l’arrogance de l’employeur à leurs égards.

Cette attaque sournoise sur les grévistes n’est d’ailleurs pas le seul tour dans la manche de l’employeur. Les grévistes, qui font le piquet tous les jours devant leur lieu de travail, sont accueillis par quatre agents de sécurité privée – présents que pour 12 grévistes, rappelons-le – qui jouent les gros bras, traquant les moindres faits et gestes des piqueteurs. Alors que les grévistes se disent pourtant assez sages sur les lignes de piquetage, la présence de goon n’est certainement pas sans incidence sur l’exacerbation des tensions et de la frustration des grévistes.

Cette agressivité de l’employeur s’ajoute aussi à celle que les travailleurs vivaient déjà sur leur lieu de travail, avant même l’avènement de la grève. C’est, entre autres, pour s’organiser contre cette posture gestionnaire agressive que l’unité de Brenntag s’est convaincue d’utiliser la grève comme moyen de pression. En effet, depuis environ 2 ans, un vent de changement avait déjà commencé à s’installer dans l’usine. Un vent à l’odeur de l’autoritarisme patronal et de surveillance : caméras de sécurité et horodateurs de temps de travail mis en place pour scruter les travailleurs, alors que la petite usine de 12 travailleurs s’était toujours organisée de manière plus organique, et ce, durant presque 40 ans! On s’explique difficilement pourquoi un tel changement de pratiques s’est implanté chez l’employeur, mais il est de toute évidence que ces nouvelles dynamiques managériales se répercutent également dans les négociations collectives actuelles et font augmenter la tension sur les lignes de piquetage.

Solidarité ouvrière

Depuis le déclenchement de la grève, les grévistes de Brenntag, membre du syndicat des Métallos affilié à la FTQ, ont bénéficié d’un soutient chaleureux de la part de camarades provenant d’autres syndicats Métallos et même d’autres centrales syndicales. Jusqu’à maintenant, pas un seul jour n’est passé sans que les grévistes de Brenntag n’aient eu une visite en guise de solidarité. Certains syndicats camarades s’organisent aussi pour faire des dons au fonds des grévistes pour leur permettre de tenir le coup aussi longtemps que possible.

Il est d’ailleurs loisible de joindre les grévistes de Brenntag du lundi au vendredi de 8h à 18h, au 2900 Jean Baptiste Deschamps à Lachine. Alors n’hésitez pas à y faire un tour, votre visite aurait assurément pour effet de réchauffer le cœur des grévistes à l’approche du froid de l’hiver! *

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