L’été dernier, nous avions brièvement abordé dans le Journal de l’uttam la sortie d’un rapport sur les recours pouvant mobiliser les travailleuses et travailleurs ayant subi des violences à caractère sexuel au travail. Ce rapport, coécrit par trois juristes expertes du droit du travail, Rachel Cox, Dalia Gesualdi-Fecteau et Anne-Marie Laflamme, proposait de nombreuses recommandations pour une réforme cohérente de différents aspects des lois encadrant les milieux de travail, particulièrement la Loi sur les normes du travail, la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles et la Loi sur la santé et la sécurité du travail. La réforme proposée avait comme objectif de « se donner les moyens d’agir » pour éliminer les violences à caractère sexuel des milieux de travail, de favoriser la reconnaissance des conséquences de ces dernières pour les victimes et de soutenir le principe d’équité entre les victimes de violences à caractère sexuel au travail et à l’extérieur de la sphère du travail. Les conclusions du rapport, appuyées sur les données extraites de plusieurs centaines de dossiers de plaintes et de réclamations à la CNÉSST, établissaient un portrait peu enviable pour l’accès à la justice des travailleuses et travailleurs victimes de violences à caractère sexuel.
À la suite de ce rapport, il était pressant d’agir sur les différents cadres législatifs afin d’améliorer l’accès à la justice des victimes. En guise de réponse au rapport, le ministre Boulet déposait, à l’Assemblée nationale, en novembre dernier, le Projet de loi n°42 – Loi visant à prévenir et à combattre le harcèlement psychologique et la violence à caractère sexuel en milieu de travail1.
Dès l’annonce du projet de loi, l’équipe de travail de l’uttam s’est mobilisée pour analyser les propositions de modifications, particulièrement pour la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. Si globalement, on peut reconnaitre les avancées du projet de loi pour les travailleuses et travailleurs victimes d’une lésion professionnelle causée par les violences à caractère sexuel, le projet de loi aurait pu être grandement amélioré.
C’est pour cette raison que des membres de l’uttam se sont rendus à Québec, le 31 janvier dernier, pour présenter notre mémoire. Ce dernier mettait en lumière plusieurs angles morts du projet de loi au ministre ainsi qu’aux représentants des oppositions siégeant à la Commission de l’économie et du travail. La force de l’uttam résidera toujours dans l’immense volonté et ferveur de ses membres à dénoncer les injustices que vivent les victimes de lésions professionnelles et à exiger des changements! Malheureusement, nous nous sommes heurtés à un ministre davantage intéressé à s’écouter parler qu’à entendre les revendications des victimes de lésions professionnelles.
Notre mobilisation n’aura toutefois pas été vaine, puisque certaines de nos revendications, et surtout le suivi serré de la Commission pour l’étude article par article du projet de loi, auront permis, entre autres, de soulever des débats et des questionnements intéressants sur le sexisme, l’indemnisation des enfants et les délais de réclamation.
Bien que les améliorations que nous souhaitions voir éclore au projet de loi n’aient pas toutes faites leur chemin dans l’oreille du ministre, au moins ce dernier n’aura pas succombé aux pressions patronales. De leur côté, les organisations d’employeurs qui souhaitaient voir le projet de loi édenté, voire complètement retiré, se sont elles aussi butées à un ministre plutôt fermé à l’idée de modifier son projet de loi. Comme quoi, le projet de loi doit bien avoir un peu de substance pour faire autant peur aux patrons…
Au moment de la publication du Journal, le projet de loi sera vraisemblablement adopté ou sur le point de l’être. La majorité des nouvelles dispositions entreront en vigueur dans les 6 mois de sa sanction. Le reste est donc à suivre…