En catimini, cet été, la CNÉSST mettait en place un nouveau service de conciliation à la révision administrative, visant à conclure des litiges par le biais d’une entente plutôt que par une décision. Une telle négociation survenant tôt dans le dossier, alors que la plupart des travailleuses et travailleurs ne sont pas représentés, pourrait être préjudiciable à bien des victimes de lésions professionnelles.
Ce nouveau service d’« Accompagnement pour la conclusion d’une entente volontaire »a été annoncé officiellement sur le site Internet de la Commission. Il concernait spécifiquement les litiges portant sur des emplois convenables ou des retours au travail. À partir de la mise en place de ce nouveau service, en recevant une demande de révision portant sur une de ces questions, la CNÉSST proposait aux parties de tenter de conclure une entente avant que le recours ne soit traité en révision. Si la travailleuse ou le travailleur et l’employeur donnaient leur accord, une « facilitatrice » ou un « facilitateur », à l’emploi de la CNÉSST, organisait des négociations dans le but d’arriver à une entente.
Cette négociation impliquait trois parties : outre la travailleuse ou le travailleur et l’employeur, la CNÉSST y était représentée pour y prendre part. Rappelons que la facilitatrice ou le facilitateur, qui coordonne la conciliation, est aussi à l’emploi de la Commission.
Les ententes conclues devaient être formalisées par une transaction en vertu du Code civil pouvant prévoir des désistements ou modifier une décision en litige. Dans ce dernier cas, la CNÉSST ne rendrait pas de nouvelle décision : la partie de la transaction prévoyant une issue différente remplacerait simplement la décision initiale. En cas de refus ou d’échec de la conciliation, la demande de révision serait traitée par la révision administrative comme le prévoit la loi.
Même si ce nouveau processus ne s’appliquait qu’aux litiges concernant un emploi convenable ou un retour au travail, une fois les négociations entamées, il restait possible de s’entendre sur d’autres questions et de régler ainsi le sort de plusieurs autres litiges par une transaction.
De nombreuses inquiétudes
Ce nouveau processus a soulevé, dès son annonce, de nombreuses inquiétudes, assez pour que l’uttam le dénonce et revendique son retrait. Plusieurs organisations syndicales partageaient d’ailleurs nos préoccupations et critiquaient le nouveau service. Nous avons aussi recommandé aux travailleuses et aux travailleurs de ne pas y recourir au moment où les facilitatrices et facilitateurs le proposaient.
D’abord, un tel service de conciliation est dénué de fondement légal. En effet, aucun article de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles n’habilite la CNÉSST à mettre sur pied un service de conciliation en révision ni ne prévoit qu’une décision initiale de la Commission puisse être remplacée par une transaction négociée. C’est bien différent de la conciliation qui a lieu au Tribunal, qui est prévue et encadrée par la Loi instituant le Tribunal administratif du travail.
La majorité des travailleuses et travailleurs ne sont aussi pas représentés à l’étape de la révision administrative. Une éventuelle transaction peut donc avoir des impacts graves et importants sur leurs droits, sans que personne ne leur en explique toutes les conséquences. Beaucoup de travailleuses et de travailleurs risquent ainsi d’être piégés par une négociation menant à une perte de droits importants.
L’ensemble du processus souffrait aussi d’un immense problème de partialité, puisque les facilitatrices et facilitateurs agissant comme des conciliateurs ne sont nullement neutres, étant à l’emploi de la CNÉSST, une partie faisant valoir ses demandes et intérêts lors d’une négociation.
Enfin, malgré des prétentions de la CNÉSST, rien ne garantissait la confidentialité des négociations vu l’absence d’encadrement légal du processus. Ainsi, rien n’empêcherait un employeur de contraindre une facilitatrice ou un facilitateur à témoigner devant le Tribunal de ce qu’il a entendu en négociation, ce qui serait impossible à faire avec une conciliatrice ou un conciliateur du TAT.
Pour toutes ces raisons, l’uttam a écrit, le 26 octobre dernier, une lettre à Louise Otis, présidente du Conseil d’administration de la CNÉSST, pour demander le retrait de ce nouveau « service ». Madame Otis semble avoir trouvé que nos critiques étaient valables puisque notre intervention a mené à la suspension du nouveau service, en attendant que la Commission revoit ses façons de faire.
On peut se réjouir de ce retrait temporaire, mais nous devons demeurer vigilants parce qu’on sait que plusieurs fonctionnaires de la CNÉSST souhaitent ramener ce nouveau service de conciliation en révision. C’est donc un dossier à suivre…