Défendre ses droits quand l’employeur ne collabore pas

Propos recueillis lors d’un entretien avec Muawia Daraghma, travailleur accidenté

L’histoire qui suit est celle de Muawia Daraghma, qui travaillait pour un sous-traitant d’Amazon quand il a été victime d’un accident du travail.  Comme le travailleur ne maîtrise pas le français, ce texte est écrit à la suite d’un échange que nous avons eu avec lui, lors duquel il nous a raconté son histoire, que nous publions avec son consentement.

À l’été 2022, je travaillais comme chauffeur-livreur chez Amazon quand un grave incident est survenu lors d’une livraison.  Alors que je transportais un lourd colis et que je sortais du camion par la porte arrière, j’ai fait une chute et je me suis sévèrement blessé.  Avec une forte douleur au cou, au dos et à la jambe gauche, je me suis rendu à l’hôpital le soir même.  J’y ai passé toute la nuit.  Je n’ai quitté que tard le lendemain soir, après de multiples examens, avec une prescription d’arrêt de travail pour des entorses cervicale et lombaire.  Pendant mon séjour à l’hôpital, j’ai évidemment téléphoné à l’employeur pour l’aviser de ce qui s’était produit.

Comme mes blessures étaient importantes, l’arrêt de travail s’est prolongé et j’ai réclamé à la CNÉSST en indiquant que j’étais à l’emploi d’Amazon.  C’est alors que les problèmes ont commencé…  En effet, j’avais beau me rendre tous les jours à l’entrepôt d’Amazon pour le travail, conduire un camion d’Amazon et livrer des colis d’Amazon, j’ai découvert que je ne travaillais pas pour Amazon mais pour un sous-traitant de l’entreprise!

Cette confusion sur l’identité de mon employeur a retardé et complexifié le traitement de ma réclamation par la CNÉSST, qui s’est fait dire au départ par Amazon que je n’étais pas à leur emploi.  Après avoir été référé à un autre sous-traitant pour qui je ne travaillais pas non plus, la Commission m’a rappelé pour clarifier qui était mon employeur.  À ce moment, je croyais toujours que c’était Amazon et j’ai fourni le nom d’un supérieur.  En contactant à nouveau l’entreprise, la CNÉSST a finalement réussi à parler au responsable d’une compagnie de transport pour qui je travaillais, qui opérait depuis l’entrepôt d’Amazon.  Celui-ci a prétendu ne rien savoir de l’accident du travail et allégué que j’étais au départ allé voir un médecin pour un rhume…

Près de quatre mois après mon accident, la CNÉSST rendait enfin une décision, en octobre 2022.  Se fiant à la déclaration de l’employeur selon qui je n’avais pas déclaré l’accident, la Commission refusait ma réclamation.  Déjà privé de revenu depuis l’accident, j’apprenais ainsi que je n’aurais aucune indemnité ni compensation.

J’ai tout de suite produit une demande de révision, réaffirmant que l’accident avait eu lieu au travail et que je l’avais déclaré à mon supérieur, par téléphone, dans les heures qui avaient suivi sa survenance.  J’ai aussi cherché de l’aide et on m’a conseillé de contacter l’uttam, un organisme qui soutient les victimes d’accidents du travail dans leurs démarches.

L’uttam a accepté de me représenter en révision administrative et m’a demandé de faire sortir les documents de l’hôpital où j’étais allé le jour de l’accident.  C’était la bonne chose à faire : la note d’accueil de l’urgence révélait que je m’étais présenté le soir de l’accident pour une chute accidentelle de mon camion de livraison.  Après avoir transmis ces documents à l’uttam, j’ai attendu des nouvelles de la révision, qui a finalement rendu sa décision en janvier 2023.  Mon accident était accepté!  J’allais donc avoir enfin droit aux indemnités et aux traitements pour mes blessures.  Quel soulagement!

Malheureusement, je n’étais pas au bout de mes peines.  Alors que je recevais un salaire de 21$ de l’heure pour un emploi à temps plein au moment de l’accident, la CNÉSST m’indemnisait sur la base du salaire minimum.  J’étais encore victime de la non-collaboration de mon employeur qui refusait de confirmer mon salaire à la CNÉSST et de fournir les bonnes informations sur mon contrat de travail…

Avec l’aide de l’uttam, j’ai contesté cette base salariale erronée et j’ai obtenu des documents qui prouvaient les revenus, plus élevés que le salaire minimum, que j’avais touchés depuis mon embauche.  J’ai eu gain de cause : la révision administrative a en effet rendu, au mois d’août dernier, une décision fixant ma base salariale à un niveau représentant mon vrai revenu.

Grâce à ces batailles victorieuses pour mes droits, je reçois désormais des indemnités qui s’approchent du salaire que je touchais avant mon accident.  C’est bien nécessaire étant donné que mes blessures ne sont toujours pas guéries…  Heureusement que j’ai eu de l’aide pour défendre mes droits!

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