Les impacts de la chaleur accablante en milieu de travail sur la santé des travailleuses et travailleurs

Norman King,
M.Sc. Épidémiologie

Juillet 2023 a été le mois le plus chaud jamais enregistré sur la planète Terre et les tendances à la hausse se poursuivent.  Il est donc essentiel de se pencher sur les effets de la chaleur accablante en milieu de travail sur la santé des travailleuses et travailleurs afin d’identifier les moyens de prévention appropriés.  Les secteurs de travail les plus touchés par la chaleur accablante sont la construction, le travail agricole et le travail routier, le travail dans les fonderies, les buanderies, les cuisines et les boulangeries.

Les effets sur la santé de la chaleur accablante

Un effort au travail dans une ambiance chaude peut causer plusieurs problèmes de santé importants.  Avant d’examiner ceux-ci plus en détail, il est important de comprendre que certains symptômes peuvent se présenter lors du travail dans une ambiance chaude, indiquant qu’un problème plus important pourrait se produire si l’exposition à la chaleur se poursuit.  Ces premiers symptômes comprennent des nausées, de l’irritabilité, des étourdissements, un mal de tête, de la fatigue, de la faiblesse, de la soif et de la transpiration abondante.  La présence de ces symptômes dans une ambiance chaude sert donc comme un avertissement qu’il faut agir pour éviter des effets plus graves.

Les effets plus graves de la chaleur peuvent être :

  • des crampes de chaleur (douleurs musculaires aigues);
  • un épuisement dû à la chaleur qui est provoqué par une perte des tissus en eau et des sels minéraux causée par une sudation trop importante.  Les symptômes décrits ci-haut peuvent se présenter, mais en plus il peut y avoir des vomissements, de la diarrhée et des difficultés respiratoires;
  • l’effet sur la santé le plus grave est le coup de chaleur qui arrive lorsque le corps n’arrive plus à contrôler sa température qui peut dépasser 41°C, ce qui occasionne de la confusion et une perte de connaissance partielle ou complète.  Cet état requiert des premiers soins et un examen médical immédiat, car tout délai de traitement peut causer la mort. Il est donc clair qu’il faut agir au niveau de la prévention avant qu’une telle situation ne survienne.

Il est important de mentionner aussi que le travail dans une ambiance chaude peut provoquer des accidents du travail, et ce, pour plusieurs raisons.  D’une part, le travail avec des mains moites à cause de la transpiration peut faire en sorte que la travailleuse ou le travailleur échappe un objet avec lequel il travaille.  Des lunettes de sécurité embuées en raison d’une chaleur humide peuvent aussi provoquer un accident du travail.  Des étourdissements causés par la chaleur peuvent amener une chute, et il est aussi démontré que le travail en ambiance chaude diminue les capacités de concentration, ce qui peut également provoquer un accident du travail.

D’autre part, le travail en ambiance chaude cause une augmentation du rythme respiratoire et d’autres changements physiologiques.  S’il y a des contaminants chimiques toxiques présents dans l’air dans un milieu de travail chaud, la travailleuse ou le travailleur absorbera une plus grande quantité de ces contaminants en raison de ces changements.  En d’autres mots, la présence de la chaleur et des contaminants chimiques ensemble ne font pas un bon mélange.

Selon un document produit par l’Institut de recherche en santé et sécurité du travail aux États-Unis (NIOSH), un travail à long terme dans une ambiance chaude pourrait causer des problèmes chroniques au niveau du cœur, des reins et du foie, mais les auteurs du document précisent que plus d’études sont nécessaires afin d’identifier avec certitude l’existence de ces problèmes de santé chroniques.

Les exigences de prévention prévues par le RSST

La section XIII du Règlement sur la santé et la sécurité du travail (RSST) traite les obligations de prévention des employeurs concernant le travail en ambiance chaude.  Précisons d’abord que ces obligations concernent le travail dans un établissement, mais non à l’extérieur.

Dans tout établissement de 50 travailleurs ou plus où la norme d’exposition à la chaleur (appelée indice de contrainte thermique) risque d’être dépassée, l’employeur doit mesurer cet indice deux fois par année (dont au moins une fois l’été) à chaque poste où il risque d’être dépassé et il doit consigner ces mesures dans un registre qu’il doit conserver pendant au moins 5 ans.

Ici, il est important de préciser que l’indice de contrainte thermique se mesure en tenant compte de 3 critères différents : la température sèche, la température humide et la température radiante (ex : causée par les rayonnements du métal en fusion dans une fonderie).  Ces différents critères sont mesurés à l’aide d’un appareil spécialisé appelé thermomètre à globe humide (WBGT).

Un autre élément important à comprendre est que l’indice de contrainte thermique tient compte des différents critères de température mesurés ainsi que la charge de travail.  Les critères de température permis diminuent avec une charge de travail qui augmente.

Lorsque l’indice de contrainte thermique permis par le RSST est dépassé, l’employeur doit :

  • assurer une surveillance médicale des travailleuses et travailleurs;
  • mettre de l’eau dont la température se situe entre 10°C et 15°C à leur disposition;
  • prévoir une douche par 15 travailleurs exposés.

Il doit aussi réaménager le poste de travail exposé à l’aide d’écrans réfléchissants, d’une isolation ou d’une ventilation additionnelle afin de diminuer l’indice de contrainte thermique.  Si ces mesures s’avèrent insuffisantes, l’employeur doit instaurer un régime d’alternance travail/repos pouvant aller jusqu’à 75% repos, 25% travail à toutes les heures.  Avec une telle obligation d’alternance travail/repos, on comprend facilement qu’il sera beaucoup plus rentable pour un employeur de réaménager son milieu de travail pour diminuer les ambiances chaudes.

Pour le travail à l’extérieur, la CNÉSST a produit un outil qui permet d’estimer l’indice de contrainte thermique et calculer la durée des pauses à chaque heure qui seraient nécessaires.

Enfin, une obligation générale prévue par la Loi sur la santé et la sécurité du travail concerne la nécessité pour les employeurs d’offrir une formation aux travailleuses et travailleurs leur permettant de travailler de façon sécuritaire.  Il est donc important que cette formation aborde des sujets comme les mesures d’hydratation nécessaires ainsi que les symptômes qui peuvent apparaître lors du travail en ambiance chaude afin que les travailleuses et les travailleurs prennent les mesures de prévention nécessaires. 

Conclusion

Le travail en ambiance chaude peut occasionner une multitude d’effets néfastes sur la santé et la sécurité des travailleuses et travailleurs.  Afin d’éviter ceux-ci, il est essentiel que les employeurs réaménagent leurs milieux de travail pour les rendre sécuritaires.

Références

  • Stress thermique : quelles sont les conséquences pour le monde du travail? Podcast de l’Organisation internationale du travail, épisode 39, 15 août 2023.
  • Exposition à la chaleur : effets sur la santé et premiers soins; Centre canadien d’hygiène et de sécurité au travail, 2022.
  • Ambiance chaude et substance chimique : un mélange difficile pour de nombreux travailleurs; IRSST, 2014.
  • Occupational exposure to heat and hot environments, revised criteria 2016; National institute for occupational safety and health (NIOSH), 2016.
  • Évaluer le niveau de risque par temps chaud; CNÉSST; https://www.cnesst.gouv.qc.ca/fr/prevention-securite/identifier-corriger-risques/liste-informations-prevention/evaluer-niveau-risque-par-temps-chaud.
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