Un projet de règlement sur la réadaptation : l’entrée du loup dans la bergerie

La Loi « modernisant » le régime de santé et de sécurité du travail a donné à la CNÉSST un nouveau pouvoir règlementaire en matière de réadaptation. La Commission l’a utilisé pour formuler le Projet de règlement sur la réadaptation déposé à la Gazette officielle du Québec, le 26 décembre dernier.

De prime abord, il faut rappeler que les premières moutures de la Loi « modernisant » le régime de santé et de sécurité du travail prévoyaient plusieurs attaques à la réadaptation après consolidation que la mobilisation des membres de l’uttam et d’autres aillés du mouvement syndical a permis de freiner. Malgré cela, plusieurs pertes de droits ont eu lieu en matière de réadaptation, particulièrement pour la réadaptation sociale, qui a été restreinte à une liste exhaustive avec des ajouts possibles par règlement seulement. Si nous avons évité le pire en matière de réadaptation après consolidation, le législateur a laissé le champ libre à la CNÉSST pour la réadaptation avant consolidation.

En effet, la CNÉSST a obtenu un pouvoir discrétionnaire pour mettre en place des mesures de réadaptation avant consolidation et règlementer les critères qui lui permettent de les octroyer. Elle s’est servie de ce nouveau pouvoir pour présenter un projet de règlement qui ajoute des restrictions d’accès à des mesures de réadaptation sociale qui n’existent pas pour les mêmes mesures après la consolidation. Par exemple, exiger qu’aucune personne ne soit disponible pour effectuer, à titre gratuit, les travaux d’entretien courant du domicile avant d’en octroyer à la victime de lésion professionnelle ou exclure l’adaptation de certains équipements de loisir.

Cette disparité d’application pourrait mener à une situation où les restrictions appliquées « avant consolidation » seraient aussi appliquées « après consolidation ». Ces restrictions arbitraires pour l’application de mesures de réadaptation avant consolidation, sont comme le loup qui entre dans la bergerie. Le risque de contamination des droits en matière de réadaptation après consolidation devient non négligeable. L’uttam a dénoncé cette situation dans ses commentaires déposés à la CNÉSST pour réviser le projet de règlement avant sa soumission finale au cabinet des ministres.

La CNÉSST a quand même profité du règlement pour ajouter des mesures de réadaptation sociale: la procréation assistée et les services interdisciplinaires de réadaptation spécialisée pour les symptômes « persistants et incapacitants ». Bien qu’il s’agisse d’ajouts pertinents, nous sommes loin de rattraper toutes les mesures perdues à la suite de la réforme de 2021. Dans notre commentaire, nous avons souligné cette perte et fait, du même souffle, la demande d’inclure au règlement le droit aux chiens guide et d’assistance pour les victimes de lésions professionnelles. Une mesure de réadaptation utile et de plus en plus fréquente, particulièrement en contexte de choc post-traumatique ou de trouble d’anxiété généralisée, mais aussi pour la perte de la vue, de l’ouïe ou de la mobilité.

Finalement, la CNÉSST a aussi profité de son règlement pour ajouter deux nouvelles mesures de réadaptation « professionnelle » qu’elle pourrait mettre en place sans demande de la part du médecin traitant et de sa propre initiative : les programmes de développement des capacités fonctionnelles (PDCF) et la réadaptation interdisciplinaire spécialisée. Celles et ceux qui ont participé à un PDCF connaissent l’intensité que peut représenter ce genre de programme comprenant, entre autres, des programmes intensifs de physiothérapie et d’ergothérapie. Plusieurs en garde d’ailleurs de bien mauvais souvenirs… un ajout que nous avons dénoncé puisqu’il s’agit finalement d’un traitement de nature physique, non supervisé par le médecin, camouflé en mesure de réadaptation professionnelle.

Ce projet de règlement, qu’on attendait depuis un certain temps, représente bien le mi-figue/mi-raisin des réformes du ministre Boulet. On accorde des droits sous conditions, où la CNÉSST fait loi non pas comme administratrice d’une loi d’ordre public, mais plutôt comme administratrice d’un régime d’assurance pour les patrons où chaque économie de bouts de chandelle est un sou de plus dans les poches du patronat.

Vous pouvez consulter les commentaires de l’uttam.

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