Décisions récentes (Printemps 2025)

Deux heures avant son quart de travail : accident considéré à l’occasion du travail!

Le travailleur, préposé à l’entretien ménager, glisse sur une plaque de glace sur la voie d’accès menant à son lieu de travail et subit une fracture à l’avant-bras droit. Initialement acceptée, la révision administrative renverse la décision et refuse sa réclamation. Pour l’employeur, le moment de la chute, survenue plus de deux heures avant le quart de travail, empêche la reconnaissance de la lésion professionnelle. Le travailleur demande au Tribunal de reconnaitre que sa chute est survenue à l’occasion du travail.

Si la loi définit l’accident du travail comme un événement imprévu et soudain survenant par le fait ou à l’occasion du travail, elle ne définit pas cette dernière expression. La jurisprudence a cependant déterminé des critères établissant un cadre d’analyse. Ainsi, le lieu, le moment, la rémunération ou non de l’activité, le lien de subordination, la finalité et le caractère de connexité ou d’utilité de l’activité avec le travail doivent être appréciés à la lumière du contexte. L’activité ne s’inscrivant pas dans le cadre des activités d’un employeur sera perçue comme faisant partie de la sphère personnelle, ne pouvant être considérée comme étant survenue à l’occasion du travail.

La jurisprudence reconnait que les événements survenant sur les voies d’accès constituent un accident de travail, dans la mesure où ils se produisent dans une période raisonnable, avant ou après le quart de travail. Bien que la chute du travailleur survienne plus de deux heures avant son quart de travail, le Tribunal considère cette période raisonnable. Les contraintes liées à l’horaire allégé du transport en commun du dimanche et sa condition d’anxiété expliquent son arrivée précoce au travail, et ce, malgré l’imposition d’une période maximale de 30 minutes prévue à la politique de l’employeur.

Pour le Tribunal, bien qu’il ne fût pas rémunéré et qu’il ait pu exercer des activités s’inscrivant dans la sphère personnelle entre son arrivée et le début de son travail, le travailleur se trouvait dans sa sphère professionnelle. La raison pour laquelle le travailleur chute à proximité de son emploi réside dans l’accès à son lieu de travail en vue d’y travailler, d’où la reconnaissance de l’accident à l’occasion du travail.

Bergeron et Axia services, 2025 QCTAT 596.

Changement d’avis non motivé : rapport déclaré irrégulier!

Le travailleur, victime d’une lésion initiale (traumatisme craniocérébral léger – TCCL) subit une dépression à titre de rechute, récidive, aggravation. À la suite d’un suivi médical de plusieurs mois, son médecin traitant consolide sa lésion et conclut en la présence d’atteinte permanente et de limitations fonctionnelles. Cependant, plutôt que d’inscrire le diagnostic de dépression au rapport final, il indique, par erreur, celui de TCCL. À la demande de la CNÉSST, il amende son rapport pour indiquer le diagnostic de dépression, mais change d’avis quant aux séquelles et indique que le travailleur n’a pas d’atteinte permanente, ni de limitations fonctionnelles. Compte tenu de l’absence d’explication quant à ce changement d’avis, le travailleur demande au Tribunal de déclarer le rapport amendé irrégulier.

Si la loi accorde au travailleur le libre choix du professionnel de la santé pour effectuer son suivi médical, il devient en revanche impossible de contester son opinion médicale. Ainsi, une fois son rapport final complété, le médecin traitant doit informer le travailleur sans délai de son contenu. S’il décide, par la suite, de modifier son opinion à propos des sujets sur lesquels il s’est prononcé, il doit aussitôt expliquer au travailleur les raisons de ce changement d’avis, compte tenu de l’impossibilité pour un travailleur de contester un rapport complété par son médecin traitant.

Pour le Tribunal, la preuve doit donc permettre de comprendre les raisons qui motivent un changement d’avis quant au diagnostic et aux séquelles. En l’espèce, non seulement le médecin traitant n’a fourni aucune justification quant à sa décision de modifier son rapport initial, mais n’a pas non plus contacté le travailleur pour lui expliquer les raisons de la modification de ses conclusions.

Compte tenu de l’absence d’explication, le Tribunal déclare le rapport final amendé comme étant irrégulier et confirme que le rapport initial, reconnaissant la présence d’une atteinte permanente et de limitations fonctionnelles, est donc celui qui doit lier la Cnésst, d’où le retour du dossier à la Commission pour qu’une analyse soit conformément effectuée en regard de ses conclusions.

Renggli et Aliments Reinhart ltée, 2024 QCTAT 4452.
Scroll to Top