Pour une reconnaissance réelle des maladies professionnelles

Depuis toujours, l’uttam revendique que toute maladie contractée par le fait ou à l’occasion du travail doit être reconnue comme une maladie professionnelle, sans aucune exception. En examinant de plus près cette question, on constate cependant que les victimes de maladies du travail ont la tâche particulièrement difficile en matière de reconnaissance. À titre d’exemple, pour l’année 2023, sur un total de 114 345 dossiers ouverts et acceptés, la CNÉSST n’a accepté que 10 702 dossiers pour maladies professionnelles, soit 9 % des réclamations, comparativement à 103 643 dossiers, soit 91 %, pour accidents du travail

Plusieurs obstacles causent le décalage entre le nombre de maladies professionnelles reconnues et celui des accidents du travail. D’abord le fait que plusieurs travailleuses et travailleurs victimes d’une maladie faisant partie du Règlement sur les maladies professionnelles, et qui devraient ainsi bénéficier d’une présomption à l’effet que leur maladie est reliée au travail, sont souvent contraints de prouver d’autres éléments qui ne sont pas exigés par la loi. En effet, la CNÉSST et le Tribunal, afin d’éviter d’indemniser une victime qui ne devrait pas l’être eu égard à une controverse scientifique complexe, ont tendance à ne pas fixer de balises à la preuve contraire admissible que peut produire un employeur, et ce, malgré les enseignements des tribunaux supérieurs.

Pour écarter cette tendance, la notion de conditions particulières qui doit être rencontrée pour bénéficier de la présomption doit être abolie, afin que le genre de travail soit la seule condition à rencontrer pour en bénéficier. Également, la liste des maladies présumées professionnelles doit distinguer les maladies professionnelles en fonction de deux types de présomptions, soit celles dont la présomption ne peut être renversée et celles dont la présomption peut l’être, cette dernière devant être renforcée par l’ajout d’une disposition établissant clairement le fardeau de preuve requis pour y faire échec ou la renverser, soit que la preuve soit faite que la maladie est attribuable à une autre cause.

Bien que la liste des maladies professionnelles ait été bonifiée en 2021, lors de l’adoption de la Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail, par l’ajout de certaines maladies comme le Parkinson, la maladie de Lyme et le trouble de stress post-traumatique, plusieurs autres maladies n’ont pas été intégrées au Règlement, même si leur étiologie professionnelle est reconnue scientifiquement, faisant même partie des listes de maladies professionnelles de nombreux pays. Mentionnons, par exemple, le syndrome du tunnel carpien et de nombreux cancers professionnels. On ne peut également passer sous silence certaines maladies psychologiques causées par le stress chronique, de même que des maladies fœtales professionnelles pour lesquelles l’enfant malade ou handicapé doit avoir droit aux mêmes bénéfices que toute autre victime de lésion professionnelle.

Sans l’inclusion de ces maladies au Règlement, il devient alors très difficile de les faire reconnaitre à titre de maladie professionnelle. Inutile de rappeler que la structure paritaire du conseil d’administration de la CNÉSST, qui donne un droit de veto effectif au patronat, n’est certainement pas sans incidence sur la faible avancée de la liste des maladies professionnelles au Québec. Pour contrer ce retard, la liste des maladies présumées professionnelles doit être mise à jour pour comprendre minimalement les maladies contenues à la liste des maladies professionnelles de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) et doit être bonifiée grâce à un processus automatique d’intégration chaque fois que l’OIT fait un ajout à sa liste, dans un délai maximal de 6 mois.

Conséquemment, dès la réception d’une réclamation pour maladie professionnelle, la CNÉSST doit initier un processus d’enquête pour identifier les risques au travail ayant pu causer la lésion. La seule preuve du respect des normes de santé et de sécurité au travail ne pouvant justifier le refus de reconnaissance d’une maladie professionnelle. Le cas échéant, toute étude ou tout rapport produit par le Comité scientifique de la CNÉSST doit, dès sa production, être rendu public. Enfin, tout refus de reconnaitre une maladie professionnelle doit, à la demande d’une travailleuse ou d’un travailleur, être reconsidéré, avec plein effet rétroactif, lorsque les circonstances, notamment l’évolution de la liste des maladies présumées professionnelles ou des connaissances scientifiques justifient la reconsidération, et ce, en vue d’une reconnaissance réelle des maladies professionnelles.

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