Décisions récentes : délais de révision et analyse de capacité de travail

La notification d’une décision : point de départ du délai de contestation

Le travailleur est victime d’une lésion professionnelle en août 2021. En mai 2022, la CNÉSST rend une décision où elle refuse de reconnaitre la relation entre un nouveau diagnostic et sa lésion professionnelle, alors qu’en février 2023, elle se prononce sur sa capacité de travail. Le travailleur demande la révision de ces deux décisions, mais seulement en mai 2023. Compte tenu que ces demandes sont déposées à l’extérieur du délai de 30 jours, la CNÉSST les déclare irrecevables. Le travailleur conteste ces deux décisions au Tribunal administratif du travail.

Pour le Tribunal, la décision de mai 2022 n’est pas déposée hors délai. Selon lui, la loi prévoit qu’un travailleur dispose d’un délai de 30 jours pour déposer sa contestation dont le point de départ est la notification de la décision et non la date à laquelle elle est rendue, deux concepts bien différents. Ainsi, l’envoi de la décision, et a fortiori le simple fait qu’elle soit rendue, ne peut permettre de présumer qu’elle a été notifiée au travailleur en l’absence d’une preuve contraire.

Le travailleur ayant mandaté des représentants pour l’aider avec son dossier, c’est seulement à la suite de la réception du dossier de la CNÉSST, en mai 2023, qu’ils prennent connaissance de la décision et qu’elle peut être considérée comme notifiée au travailleur. L’ayant aussitôt contestée à l’intérieur du délai de 30 jours, le Tribunal considère sa contestation recevable.

Le Tribunal est également d’avis que le retard à contester la décision de février 2023 est plutôt dû à des imbroglios administratifs qu’à la négligence du travailleur qui, au contraire, rencontre ses représentants dans les 30 jours suivant la décision de la Commission. Ces derniers ayant tardé à traiter les documents reçus et constaté l’existence de la décision qu’au moment de la réception du dossier de la CNÉSST, trois mois plus tard, le travailleur possède donc un motif raisonnable pour justifier le retard.

Étant donné la vocation sociale de la loi, qui doit être interprétée de façon à préserver les droits des justiciables, le Tribunal est d’avis que la preuve démontre que le travailleur a agi avec diligence pour défendre ses droits.

Tardif et Récupération 2000 inc., 2024 QCTAT 2864.

La capacité de travail évaluée en fonction de « son emploi »

La travailleuse, préposée à l’entretien ménager, subit une lésion professionnelle en septembre 2021, une tendinopathie de la coiffe des rotateurs et un torticolis. Malgré ses limitations fonctionnelles, la CNÉSST considère la travailleuse capable d’exercer son emploi prélésionnel. Devant le Tribunal, la travailleuse prétend que non seulement ses limitations l’empêchent de refaire son emploi, mais que l’analyse de sa capacité de travail doit être effectuée non pas en fonction de son emploi exercé en 2021, lors de la pandémie de Covid-19, mais plutôt au moment où la CNÉSST se prononce sur sa capacité en 2023.

Le Tribunal est d’avis qu’il doit considérer l’emploi de la travailleuse au moment où s’est manifesté sa lésion professionnelle, mais que cette conclusion ne doit pas l’empêcher de tenir compte du contexte de l’emploi de la travailleuse en 2023.

Depuis le 6 octobre 2022, la définition de « son emploi », maintenant prévue à la loi, indique qu’il s’agit de l’emploi qu’occupe un travailleur au moment de sa lésion professionnelle. Le Tribunal doit donc considérer l’emploi de préposée à l’entretien ménager occupé en 2021 pour déterminer si la travailleur peut exercer son emploi.

Toutefois, la majorité des employés étant en télétravail durant la pandémie, les aires de travail, de repas et salles de toilettes requièrent moins d’entretien qu’en 2023, où les deux tiers des employés sont de retour en présentiel. À ce moment, le travail de préposée à l’entretien ménager devient donc beaucoup plus près de la normalité qu’au moment de la pandémie.

Pour le Tribunal, les modifications apportées en milieu de travail, entre le jour de la lésion et celui où un travailleur redevient capable d’exercer son emploi, doivent être prises en considération, et ce, tel que l’enseigne la jurisprudence antérieure à la modification législative. Ce raisonnement permet donc de ne pas pénaliser un travailleur en raison d’une situation qui survient de façon exceptionnelle. Après analyse des limitations fonctionnelles et des tâches relevant de l’emploi de préposée à l’entretien ménager, le Tribunal conclut ainsi que la travailleuse n’est plus en mesure d’exercer son emploi.

Ladouceur et Service d’entretien LP enrg., 2024 QCTAT 3615.
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