Une bataille pour récupérer un minimum de dignité

Un texte de Jean Gualbert Chaperon

J’ai été victime d’un accident du travail alors que j’occupais un emploi de poseur de pneus. Cela m’a laissé des séquelles permanentes importantes à la cheville droite et la CNÉSST a reconnu que je ne pourrais plus occuper cet emploi.

Étant donné que je travaillais à petit salaire, la CNÉSST ne voulait pas me payer une courte formation professionnelle parce que ça coûterait un peu d’argent et que n’importe quel emploi au salaire minimum ferait l’affaire. Je me sentais vraiment coincé parce que mon employeur, une agence de placement de personnel, voulait visiblement se débarrasser de moi en m’assignant un emploi que je ne pouvais physiquement pas faire, et la CNÉSST s’en lavait les mains. J’étais un peu désespéré.

C’est alors qu’une dame m’a parlé de l’uttam. Elle s’en allait participer à l’assemblée générale annuelle et m’a proposé de l’accompagner. J’ai alors rencontré des gens qui avaient pu s’en sortir. Ça m’a donné un peu d’espoir.
Dès le lendemain, j’ai appelé pour un rendez-vous et j’ai pu bénéficier des services d’information et de défense des droits qui sont offerts. Évidemment, rien ne s’est réglé par magie et j’ai dû contester des décisions de la CNÉSST, mais ça m’a donné le courage de me battre. Jamais je n’aurais pu passer à travers sans le soutien de l’uttam.

Ainsi, malgré le refus de la CNÉSST d’assumer les coûts d’une formation, j’ai décidé de payer de ma poche une formation de cariste (chauffeur de chariot élévateur) car c’est un emploi qui m’intéressait et que je pensais être capable d’occuper.

Une fois mon attestation d’étude en poche, la conseillère en réadaptation m’a informé, à ma grande surprise, qu’elle avait changé d’idée à la suite d’une discussion avec mon employeur : elle allait rendre une décision déterminant que j’étais capable d’occuper l’emploi de « cariste sans manutention » et que mon employeur allait me trouver un poste.

Mon employeur m’a par la suite demandé de me rendre chez une de ses entreprises clientes pour faire un test de conduite d’un chariot. Rendu sur place, le superviseur m’a demandé de déplacer à bras une pile de lourdes caisses. Devant mon refus de faire cette tâche, qui ne respectait absolument pas mes limitations fonctionnelles, on m’a dit de retourner chez-nous.

J’ai contacté ma conseillère en réadaptation pour lui décrire l’incident. Celle-ci m’a indiqué qu’elle avait discuté avec mon employeur et que celui-ci lui avait mentionné que j’avais échoué mon test de conduite, car je n’avais même pas réussi à démarrer le chariot. J’ai eu beau lui dire que tout cela était totalement faux, elle m’a avisé qu’elle s’était déjà entendue avec l’employeur pour reconsidérer sa décision sur l’emploi convenable et que l’employeur m’offrait un emploi de « chauffeur classe 5 ».

En théorie, cet emploi consiste à conduire les travailleuses et les travailleurs d’une station de métro à leur lieu de travail et à les reconduire à la station de métro à la fin de la journée.

En pratique cependant, ma journée débutait à 3 heures du matin et la première tâche demandée par l’employeur était l’inspection mécanique générale de huit à neuf véhicules. Cette tâche s’effectuait à l’extérieur et durait de 3 à 5 heures du matin. Par la suite, je devais conduire des travailleuses et des travailleurs à leur lieu de travail.
Évidemment, les tâches d’inspection ne respectaient pas mes limitations fonctionnelles, notamment celles d’éviter la marche en terrain accidenté ou glissant (par exemple l’hiver) et d’éviter la position accroupie (par exemple la prise de pression des pneus).

Je me suis plaint à mon employeur : il m’a répondu que c’est tout ce qu’il avait à m’offrir et que si je n’étais pas content, je pouvais rester chez-nous. J’ai aussi appelé ma conseillère en réadaptation : elle m’a informé que sa décision était rendue, qu’elle n’avait pas l’intention de la changer et que pouvais contester la décision sur l’emploi convenable.

J’ai dès lors contesté cette décision. Avec le soutien de l’uttam, je me suis rendu au Tribunal administratif du travail. La juge a conclu que l’emploi de chauffeur de classe 5 chez l’employeur n’était pas un emploi convenable pour moi puisqu’il ne respectait pas mes limitations fonctionnelles.

L’ironie de l’histoire, c’est qu’aujourd’hui, j’occupe l’emploi pour lequel la CNÉSST ne voulait pas payer de formation parce que je ne valais pas les quelques centaines de dollars qu’elle coûtait. Eh oui, ce même emploi de cariste dont j’avais supposément échoué le test puisque j’étais incapable de démarrer un chariot élévateur.

Grâce à l’uttam, on peut dire que je n’ai pas seulement gagné mon dossier, j’ai aussi récupéré un peu de dignité.

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