Depuis maintenant plus d’un an, soit depuis le 6 avril 2022, la Loi sur la santé et la sécurité du travail prévoit qu’un comité paritaire de santé et de sécurité doit être formé au sein de tout établissement groupant au moins 20 travailleuses et travailleurs. Dans ces mêmes établissements, un représentant des travailleuses et des travailleurs en santé et en sécurité doit aussi être désigné.
Dans les milieux non syndiqués, les représentants des travailleuses et des travailleurs au sein du comité de santé et de sécurité ainsi que le représentant en santé et en sécurité doivent être désignés par scrutin, lors d’une assemblée convoquée à cette fin par un travailleur de l’établissement. L’employeur doit permettre l’affichage des avis de scrutin et la tenue de l’assemblée de mise en candidature et nul ne doit entraver la tenue du scrutin.
La loi prévoit aussi qu’une contravention à ces règles est réputée être une infraction qui est passible, dans le cas d’une personne morale, d’une amende d’au moins 1 500 $ et d’au plus 3 000 $ dans le cas d’une première infraction.
Ces règles semblent simples et claires. Comment alors expliquer que la vaste majorité des établissements non syndiqués au Québec n’ont toujours pas de comité paritaire, ni de représentant en santé et en sécurité et ce, plus d’un an après l’entrée en vigueur de cette obligation?
Une bonne partie de la réponse réside dans le laxisme de la CNÉSST. Bien sûr, celle-ci a fait une discrète campagne publicitaire pour annoncer l’entrée en vigueur de ces changements et elle a aussi mis sur son site Internet de l’information sur le sujet. Mais il semble que peu d’employeurs aient vu passer l’information puisque rien n’a bougé.
La CNÉSST a pourtant à sa disposition un outil pour rejoindre instantanément l’ensemble des employeurs du Québec : le dossier électronique MonEspace CNESST . En effet, depuis maintenant plus de deux ans, tous les employeurs du Québec ont un dossier électronique et la CNÉSST communique avec eux uniquement par ce moyen. Il aurait donc été très facile pour la CNÉSST d’aviser l’ensemble des employeurs, avant le 6 avril 2022, de leurs nouvelles obligations.
C’est d’ailleurs ce qu’elle a fait le 21 juin 2023 pour annoncer l’entrée en vigueur de la Loi sur l’encadrement du travail des enfants. Pourquoi ne pas avoir utilisé le même moyen de communication pour l’entrée en vigueur des changements sur la participation des travailleuses et des travailleurs aux mécanismes de prévention?
Ce laxisme se remarque aussi sur le terrain. Une demande d’accès à l’information (disponible sur le site Internet de la CNÉSST) concernant les interventions des inspecteurs de la CNÉSST après le 6 avril 2022 dans des entrepôts au Québec démontre clairement que malgré des observations de non-respect de la loi, aucun avis de correction ni aucune sanction n’est imposé aux employeurs concernant les mécanismes de participation des travailleuses et des travailleurs.
En effet, malgré le fait que les inspecteurs constatent l’absence de représentant en santé et en sécurité dans des entrepôts de Dollarama et d’Amazon visités, aucun avis de correction n’est émis à ce sujet et les conclusions sont habituellement du type : « J’encourage l’employeur à poursuivre ses efforts de prévention afin de protéger la santé et la sécurité des travailleurs ». Manifestement, ce genre « d’encouragement » ne semble pas donner beaucoup de résultats jusqu’ici…
Lors des débats sur le projet de loi n° 59, le ministre du Travail, Jean Boulet, a mentionné à répétition que le cœur de sa réforme était l’obligation de l’implantation, dans tous les milieux de travail, des mécanismes de prévention et de participation des travailleuses et des travailleurs.
On comprend aujourd’hui que la CNÉSST, pourtant chargée d’appliquer la loi et de sévir lorsqu’elle n’est pas respectée, compte « encourager » les employeurs à se conformer à leurs obligations, mais qu’elle ne semble pas du tout disposée à les y contraindre…