Une personne victime d’un accident ou d’une maladie du travail, dont la réclamation est acceptée par la CNÉSST, reçoit 90 % de son salaire net retenu. Pour effectuer le calcul, la CNÉSST prélève du salaire brut les impôts provincial et fédéral ainsi que les cotisations pour l’assurance parentale, l’assurance-emploi et le régime de rentes du Québec (RRQ). Cependant, bien que la cotisation relative au RRQ soit retenue dans le calcul pour obtenir le salaire net, elle n’est toutefois pas versée à Retraite Québec. Les périodes d’arrêt de travail relatives à une lésion professionnelle sont donc comptabilisées à ZÉRO par le RRQ.
La loi sur le régime de rentes du Québec (LRRQ) ne permet pas aux victimes d’accidents et de maladies du travail de contribuer au RRQ, puisque cette loi ne permet d’utiliser qu’un revenu de travail pour déterminer le salaire admissible, ce qui exclut les indemnités de remplacement du revenu versées par la CNÉSST. Les travailleuses et travailleurs accidentés ou malades sont donc pénalisés, puisque ces périodes sont considérées comme des mois cotisables, mais sans qu’aucune cotisation ne soit versée, ce qui entraîne évidemment une diminution du montant de la rente versée par le RRQ.
La LRRQ reconnait toutefois certaines situations particulières qui peuvent être retranchées du calcul de la rente, permettant d’en augmenter le montant. Une indemnité non réduite, versée pendant une période d’au moins 24 mois consécutifs, est retranchée du calcul, ce qui signifie une indemnité équivalente à 90 % du revenu net, sans réduction en fonction de l’âge ou de la capacité théorique d’occuper un emploi convenable. La situation s’est cependant détériorée avec l’adoption de la réforme de 2019. Depuis le 1er janvier 2019, le RRQ comporte un régime supplémentaire qui améliore la sécurité financière des travailleuses et travailleurs en bonifiant leur rente. Toutefois, ce régime n’est pas assujetti au retranchement des périodes de versement d’une indemnité non réduite d’au moins 24 mois consécutifs, ni à la règle générale du régime de base qui permet de retrancher 15 % des années de faibles gains. Par conséquent, le régime supplémentaire est comptabilisé à zéro, puisque seules les cotisations réelles sont comptabilisées.
À l’exception de la mesure applicable au régime de base uniquement, toutes les autres victimes de lésions professionnelles subissent donc une pénalité sur leur rente de retraite, dont l’impact variera en fonction de chaque situation. Un arrêt de travail de 22 mois, par exemple, n’aura pas le même impact que pour la personne déclarée inemployable. Toutefois, les victimes les plus touchées sont celles qui, à cause de leur lésion, doivent occuper un nouvel emploi moins rémunérateur, ce que la Latmp appelle un emploi convenable. Comme elles se trouvent à occuper un emploi moins payant, elles ont donc droit au versement d’une indemnité réduite qui compense la différence entre leur pleine indemnité (90 % du revenu net de l’emploi pré-lésionnel) et le salaire net déterminé par la CNÉSST pour l’emploi convenable. Cette situation peut durer de nombreuses années, voire plusieurs décennies. L’occupation d’un emploi moins rémunérateur fait que ces personnes cotisent en fonction d’un salaire plus faible, faisant d’elles les personnes les plus désavantagées par la situation.
Encore plus incompréhensible est le fait que la contribution à un régime privé de retraite (fonds de pension) ne devient pas affectée par un arrêt de travail dû à une lésion professionnelle puisque l’employeur et le travailleur peuvent continuer de contribuer au régime privé en versant chacun leur part. Pourquoi cette différence entre régime privé et régime public? Pourtant, dès le début des années `80, la rédaction de l’avant-projet de la loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles projetait d’inclure une disposition prévoyant la contribution des victimes d’accidents et de maladies du travail, comme si elles continuaient de travailler, la CNÉSST assumant la part de l’employeur. D’accord avec cette position, la CNÉSST affirmait même vouloir éviter de faire subir un autre préjudice du fait de la lésion, mais 40 ans plus tard, les victimes de lésions professionnelles attendent toujours! Il est grand temps que le RRQ soit soumis aux mêmes règles que les régimes privés et qu’on mette fin à cette injustice que vivent les travailleuses et travailleurs accidentés ou malades. La solution : que l’indemnité de remplacement du revenu soit considérée comme un gain de travail admissible et que la CNÉSST prélève de cette indemnité la contribution de la travailleuse ou du travailleur à être versée au RRQ