Quand l’emploi convenable déterminé doit réellement exister!
Le travailleur, natif de la Biélorussie, est victime d’une lésion professionnelle en 2018. Consolidé en 2021, avec atteinte permanente et limitations fonctionnelles, la CNÉSST lui détermine un emploi convenable de Commis à la production de cartes et de classement. Le permis de travail lui permettant de travailler au Canada étant révoqué en 2020 et non renouvelé, le travailleur retourne dans son pays. D’avis qu’il ne s’agît pas d’un réel emploi convenable, il conteste cette décision au Tribunal.
Les conditions pour qu’un emploi soit convenable sont celles prescrites à la définition d’emploi convenable de l’article 2 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.
Le Tribunal constate d’abord que l’emploi proposé ne répond pas aux critères de l’emploi convenable, particulièrement en ce qu’il ne présente pas une possibilité raisonnable d’embauche. L’emploi ayant été déterminé, de l’aveu de l’employeur, à des fins administratives seulement, la preuve ne permet donc pas de conclure qu’il répond à la définition d’emploi convenable.
Pour le Tribunal, le poste proposé consistait uniquement à occuper les salariés incapables d’exercer leurs tâches régulières. N’offrant ainsi aucune garantie de stabilité suffisante à moyen terme pour considérer l’emploi réellement disponible chez l’employeur, la preuve ne permet donc de conclure que cet emploi existe ailleurs sur le marché du travail.
Le critère de la possibilité raisonnable d’embauche doit aussi s’apprécier en fonction de la qualification légale du travailleur d’exercer l’emploi déterminé. Ne plus être qualifié pour travailler au Canada représente également une embûche. Afin de présenter des possibilités raisonnables d’embauche, l’emploi doit en conséquence exister dans une juridiction où le travailleur peut travailler.
Selon le Tribunal, il est toujours possible pour la Commission de s’enquérir de l’état du marché du travail en Biélorussie, voire même de mandater une ressource externe sur place pour procéder à l’évaluation des pistes d’emploi convenable présentes dans cette juridiction, afin de conférer au travailleur une réelle possibilité raisonnable d’embauche. Conséquemment, le Tribunal ordonne la détermination d’un nouvel emploi au travailleur et son droit aux indemnités durant la procédure de réadaptation pour redevenir capable de l’exercer à plein temps
Kashkan et TIS Personnel, 2024 QCTAT 306.
Contestation hors délai : la faute du représentant!
Le travailleur, monteur de palettes, se blesse au travail. Il dépose une réclamation à la Commission qui la refuse, en raison de l’absence d’un avis d’option pour bénéficier de la loi québécoise. La décision est contestée, mais hors délai. Lors de la révision administrative, il apprend non seulement que son formulaire d’avis d’option a été bien reçu, mais qu’aucune analyse quant à l’admissibilité de sa lésion n’a été effectuée, la Commission ayant utilisé un mauvais gabarit de décision. La révision maintient le refus de sa réclamation pour hors délai, le travailleur conteste cette décision au Tribunal.
La jurisprudence définit la notion de motif raisonnable comme un ensemble de facteurs susceptibles d’indiquer, à partir des faits, des démarches, des comportements, de la conjoncture, des circonstances, etc., si une personne a un motif non farfelu, crédible et qui fait preuve de bon sens, de mesure et de réflexion. Pour le Tribunal, ne pas comprendre le français et recevoir une décision unilingue francophone, rendant son contenu inaccessible, s’exprimer difficilement en anglais, ainsi que les délais administratifs de l’aide juridique permettent au travailleur d’être relevé de son défaut.
Le Tribunal rejette également l’argument de l’employeur à l’effet que le travailleur ait manqué de diligence. Selon lui, la preuve démontre que le travailleur avise son superviseur le lendemain de l’événement, remplit une déclaration d’accident le même jour, consulte un médecin le surlendemain, complète un formulaire de réclamation à l’intérieur du délai de 6 mois et retourne son formulaire d’option.
Le travailleur, qui ne connait pas le système, contacte l’aide juridique à l’intérieur du délai d’un mois de la réception de la décision d’admissibilité, mais n’obtient un rendez-vous qu’un mois plus tard. Compte tenu des problèmes évidents de communication, constatés lors de l’audience, et des délais administratifs, l’aide juridique n’obtient copie de la décision qu’à la fin novembre. Plutôt que d’attribuer la faute au travailleur, le Tribunal impute la faute à son représentant de l’époque, qui admet les problèmes de communication.
Pour ces motifs, considérés comme raisonnables, le Tribunal relève le travailleur de son hors délai.