Nouvelle procédure de traitement des dossiers au Tribunal administratif du travail

Isabelle Aubé

En janvier dernier, le Tribunal administratif du travail (TAT) présentait, par l’entremise d’un webinaire, le nouveau mode de traitement des dossiers de la division de la santé et de la sécurité du travail, dont la mise en œuvre devrait être complète pour décembre 2023. Pour le TAT, l’augmentation du volume des contestations et des délais qui en découlent nécessitaient de revoir sa procédure de traitement des dossiers. Parmi les principales causes ayant mené à l’implantation de cette nouvelle procédure, on retrouve, notamment, le nombre excessif de contestations, responsable d’une augmentation importante du délai d’attente d’une première date d’audience; la courte période allouée pour la conciliation, puisque très souvent l’imminence d’une date d’audience motive les parties à opter pour un règlement à l’amiable et; le peu de dossiers qui, au final, procèdent en audience.

Le Tribunal souligne également l’importante gestion des multiples demandes de remise d’audience, responsables d’un délai supplémentaire de fermeture des dossiers, dû à la mise au rôle de dossiers souvent incomplets. S’ajoute à ces difficultés, un nombre important d’audiences fixées pour un même représentant, mais aussi l’implication de plusieurs intervenants assignés au même dossier au cours de son parcours, soit différents juges et conciliateurs. De tous ces constats, le Tribunal estime que l’impact de cette nouvelle procédure de traitement des dossiers mènera à une diminution des délais d’attente pour l’obtention d’une date d’audience de 31 %, de ceux de fermeture par la conciliation et par audience respectivement de 52 % et 49 % ainsi qu’une diminution du délai global de fermeture de 39 %.

Pour pallier aux difficultés générées par l’actuel processus opérationnel, la solution retenue est de mettre en place une nouvelle équipe d’analyse et de triage des dossiers pour les diriger vers les services appropriés. Dès lors, il sera question de diriger le dossier vers la conciliation ou l’audience, ou encore de mettre le dossier en suspens pour, par exemple, compléter la preuve au dossier ou attendre une décision en traitement auprès de la révision administrative, afin que tous les litiges soient traités ensemble.

Mise en œuvre de la nouvelle procédure à compter de juin 2023

La première étape consistera à départager les différentes contestations soumises au Tribunal, soit celles relatives à l’indemnisation, au financement, à la Loi sur la santé et la sécurité du travail ainsi que les demandes de révision contestées directement au Tribunal, suivant la nouvelle procédure de contestation des décisions en vigueur le 6 avril 2023 suite à l’adoption du projet de loi 59. Une fois cette distinction établie, les dossiers d’indemnisation seront ensuite analysés et triés, dans un délai de 30 jours.

C’est donc lors de cette deuxième étape que les dossiers incomplets seront mis en suspens pour compléter la preuve, à moins d’un désaccord sur la suspension où, le cas échéant, le dossier sera orienté en conciliation. Les dossiers complets seront dirigés directement en conciliation.

Lors de la troisième étape, celle de la conciliation, les parties auront un délai de 60 jours pour accepter la démarche de conciliation et une fois acceptée, la démarche devra se compléter dans un délai de 120 jours. Les parties arrivant à une entente pourront procéder à la signature des documents.

Cependant, lorsque la démarche de conciliation sera refusée ou qu’il en résultera un échec, la quatrième étape prévoit le transfert du dossier en audience. Selon le parcours du dossier, si l’audience fait suite à une démarche de conciliation, une date convenue entre les parties pour être entendus devra être fixée entre 60 et 90 jours, alors que sans conciliation, la date sera fixée à l’aveugle. La cinquième et dernière étape consiste en l’audition des parties, mais permet qu’un retour en conciliation soit demandé par celles-ci, avant ou lors de l’audience, malgré l’extinction du délai pour demander une conciliation. Si la demande est acceptée, un retour en conciliation aura lieu.

Soulignons qu’un projet-pilote mené en Estrie en 2021 montre que 69 % des démarches de conciliation acceptées ont donné lieu à 77 % d’ententes intervenues parmi ces conciliations effectuées. De ce constat, des inquiétudes demeurent tout de même pour les travailleuses et travailleurs non représentés. Est-ce que ces personnes, en cas d’échec de la conciliation, qui constatent, après avoir consulté un conseiller juridique, que leur preuve est incomplète, auront droit à une remise d’audience, pour parfaire leur preuve, advenant que le délai de 60 à 90 jours pour fixer une date soit insuffisant pour se préparer? Reste donc à souhaiter que cette nouvelle procédure améliore le parcours de nos travailleuses et travailleurs accidentés ou malades et qu’elle ne soit surtout pas une justice à rabais!

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