Décisions récentes (été 2023)

Lésions psychiques : non à un fardeau plus lourd

La travailleuse, professeure d’anglais, développe un trouble d’adaptation avec humeur anxio-dépressive dû à de nombreuses modifications de ses tâches engendrées par la Covid-19. La CNÉSST et la révision administrative refusent sa réclamation. Elle demande au Tribunal de reconnaitre que ces événements, pris dans leur ensemble, constituent un événement imprévu et soudain, assimilable à un accident du travail. L’employeur, d’avis que les événements ne dépassent pas le cadre normal et habituel du travail, prétend qu’il ne peut y avoir d’accident du travail.

Le Tribunal indique que la jurisprudence classique prévoit, en matière de lésions psychiques, qu’un événement ou série d’événements, pour être considéré imprévu et soudain, doit être objectivement traumatisant et déborder du cadre normal et habituel du travail.

Toutefois, pour le Tribunal, la loi ne créant aucune distinction entre une lésion physique et psychique, le critère objectivement traumatisant n’a pas lieu d’être. Ce critère de reconnaissance exigé en matière psychique ajoute au texte de loi, alors que l’expression événement imprévu et soudain ne renvoie aucunement à quelque considération de gravité, qu’elle soit objective ou subjective, et en fait une interprétation indument restrictive. Ce critère devant plutôt être apprécié lors de l’analyse de la causalité.

Le critère du débordement du cadre normal et habituel du travail ne doit non plus être un impératif à la reconnaissance d’un événement imprévu et soudain. D’abord, parce qu’il ajoute une considération de gravité pour sortir d’une situation dite normale et qu’il substitue implicitement le terme imprévu pour celui d’imprévisible qui renvoie davantage à un événement qu’on ne peut prévoir, alors que le terme imprévu signifie plutôt ne pas prévoir le moment de la survenance de l’événement.

Ainsi, le Tribunal considère que les modifications rapportées par la travailleuse (enseigner dans différents locaux, difficultés logistiques, multiples désinfections et conflits avec les collègues devant les élèves), pris dans leur ensemble, constituent un événement imprévu et soudain qui, lorsque juxtaposées dans un court laps de temps, acquièrent une gravité objective ayant causé sa lésion professionnelle.

Patenaude et Centre de services scolaire des Hautes-Rivières, 2023 QCTAT 2384.


Abus de la CNÉSST pour 10 minutes de retard

Le travailleur, gestionnaire d’agents de la faune, subi un trouble d’adaptation avec humeur anxieuse et de stress post-traumatique, par suite d’un exercice de simulation d’un écrasement d’avion en piscine. Convoqué à une expertise médicale par la CNÉSST, le travailleur se rend à la Clinique du psychiatre mandaté qui refuse de procéder à l’évaluation médicale pour un retard de 10 minutes. L’expertise médicale ayant été annulée, la CNÉSST suspend les indemnités de remplacement du revenu du travailleur qui conteste cette décision au Tribunal administratif du travail.

L’article 142 LATMP énonce, notamment, que la Commission peut suspendre le paiement d’une indemnité si un travailleur, sans raison valable, entrave un examen médical, omet ou refuse de s’y soumettre. Comme motifs raisonnables, le travailleur explique avoir inscrit erronément une mauvaise adresse dans le système de géolocalisation de son cellulaire, sa condition envahissante d’anxiété, l’attente pour payer son stationnement et plusieurs minutes à chercher la clinique dont le bâtiment est en construction.

Pour le Tribunal, l’article 142 doit recevoir une interprétation restrictive en ce qu’il constitue une exception au régime d’indemnisation parce qu’il vise, en tant que mesure coercitive, à corriger un comportement répréhensible d’une personne qui tente de se soustraire à ses obligations et non à la punir. De l’avis du Tribunal, le travailleur n’a pas entravé son examen médical, c’est plutôt le médecin chargé de l’évaluer qui, sans en informer la CNÉSST, refuse de respecter son mandat. Citant à l’appui le Guide d’exercice de la médecine d’expertise, le Tribunal souligne que le médecin expert doit en tout temps adopter une conduite irréprochable, faisant preuve de qualités humaines et faciliter le déroulement de l’examen.

Le Tribunal ajoute qu’avant de suspendre les indemnités, la CNÉSST se devait de vérifier les motifs du travailleur, ce qu’elle n’a pas fait, refusant d’écouter ses explications. Son inaction, en ne proposant aucune nouvelle date d’expertise, a eu des effets sur les revenus du travailleur et sa santé mentale. Le travailleur étant crédible, la CNÉSST n’avait pas à lui faire subir l’autoritarisme inapproprié du médecin expert. Le Tribunal annule la suspension de l’indemnité et ordonne qu’elle soit payable rétroactivement à la date de sa suspension.

Rodrigue et Environnement Canada, 2023 QCTAT 1768.

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