Gaétan, un travailleur de 38 ans, subi une lésion à une main. À l’occasion de tests pré-opératoires pour sa chirurgie à la main, les médecins découvrent qu’il est atteint de leucémie myéloïde chronique, une maladie rare qui affecte la fabrication des différentes cellules qui composent le sang. Depuis 21 ans, Gaétan travaillait comme livreur de produits pétroliers et depuis environ 3 ans, il ressentait de la fatigue et un manque d’énergie mais cela ne lui semblait pas problématique au point de consulter un médecin. D’après le médecin de Gaétan, l’exposition au benzène pourrait être la cause de cette leucémie.
Le benzène est un solvant dont les effets néfastes sont connus depuis la fin du XIXe siècle. Même si son utilisation a diminué en Amérique du Nord, il n’en demeure pas moins que les États-Unis ont produit, en 1994, 6,6 milliards de kilos de benzène. Le benzène demeure donc, encore aujourd’hui, un produit bien présent dans l’environnement et dans les milieux de travail.
Exposition au travail
Les travailleuses et les travailleurs de nombreux secteurs sont susceptibles d’être exposés au benzène. 90 % du benzène utilisé dans les pays occidentaux sert comme réactif de base dans la production de plusieurs substances chimiques employées pour fabriquer le styrène, le phénol, l’acétone, la résine de nylon et autres. Jusqu’à récemment, on employait le benzène dans la production des chaussures, du cuir, des vêtements, de la rotogravure, du caoutchouc et des pneus. Au cours des dernières années, le benzène a été peu à peu remplacé par le toluène, considéré comme moins toxique. Le benzène demeure en usage, comme solvant, dans les industries de la peinture, de la colle, du décapant, du cuir et du caoutchouc. Les travailleuses et les travailleurs de ces industries sont donc toujours exposés.
Le benzène est aussi un contaminant inévitable des produits pétroliers, notamment de l’essence, et se retrouve en quantités variables dans les produits de combustion des substances à base de carbone. Les personnes qui travaillent à la production, à l’extraction, au transport et à la distribution du pétrole s’exposent donc à des risques. Les employés exposés de façon continue à la pollution urbaine, comme les policiers affectés à la circulation, deviennent aussi des cibles. Certaines études ont démontré une prévalence accrue de leucémie aiguë chez les distributeurs d’essence et les pompistes.
Effets sur la santé
L’inhalation du benzène entraîne des symptômes qui touchent prioritairement le système nerveux central : étourdissements, euphorie, nausées, vomissements, céphalées, ataxie et somnolence pouvant évoluer vers le coma.
Une exposition prolongée au benzène peu avoir des conséquences graves. Le benzène est métabolisé dans le foie en différents métabolites, des produits secondaires qui agiront ensuite sur certains chromosomes ou sur la division cellulaire. Les réactions chimiques qui en résultent peuvent faire fusionner des gènes ou inactiver des gènes suppressifs. Les métabolites agissent aussi sur certaines cellules, les cellules stromales, de la moelle osseuse qui sont essentielles à la fabrications des cellules qui composent le sang.
L’exposition au benzène peut donc causer de nombreuses maladies du sang : anémie, leucopénie, thrombopénie, aplasie médullaire, syndrome myélodysplasique et état préleucémique.
Il est indubitable que le benzène est cancérigène. Il est depuis longtemps admis que l’exposition au benzène est cause de leucémie myéloïde ou myélomonocytaire aiguë. Certaines études ont, de plus, émis l’hypothèse d’un lien possible avec certains autres types de cancers, tel la leucémie aiguë lymphoblastique, la leucémie myéloïde chronique, la leucémie lymphoïde chronique, l’érythtoleucémie, la maladie de Hodgkin, le lymphome, le myélome et le cancer du poumon.
Le benzène est également toxique pour le fœtus ou l’embryon de la femme enceinte. Il traverse le placenta et se retrouve dans le lait maternel. La travailleuse enceinte ou qui allaite, alors qu’elle est exposée à ce produit, devrait donc être réaffectée ou retirée de son milieu de travail selon les critères de la Loi sur la santé et la sécurité du travail.
Niveau de risque du benzène
La relation dose-effet entre une exposition au benzène et ces affections a toujours été difficile à établir parce que la susceptibilité individuelle à cette exposition varie : en effet, toutes les personnes ne réagissent pas de façon identique à ce contaminant. De plus, certains facteurs augmentent les risques, comme par exemple une carence en acide folique.
Compte tenu des attributs cancérigènes du benzène, il est impossible d’établir un seuil où l’exposition serait sans danger. Toute exposition au benzène, même s’il s’agit d’une dose minime, peut suffire à entraîner le développement d’un cancer. L’exposition à ce produit doit donc être réduite au minimum et, autant que possible, entièrement évitée.
Revenons à Gaétan, notre travailleur du début. Une analyse de son environnement de travail révèle une exposition à un taux de benzène relativement faible bien que non négligeable. Toutefois, comme aucune autre cause, personnelle ou non, n’a pu être mise en évidence pour expliquer sa maladie, son médecin conclu à une relation de cause à effet attribuable à une faible exposition de longue durée. La Comission des lésions professionnelles en est arrivée à la même conclusion et la leucémie myéloïde chronique de Gaétan a été reconnue comme maladie professionnelle.
Pour plus d’informations
- Fiche d’information sur le benzène du Centre canadien d’hygiène et de sécurité au travail (CCHST).
- Fiche sur le benzène du Centre Léon Bérard de lutte contre le cancer (France).