Dr Pierre Auger
Médecin spécialiste en médecine du travail et en hématologie

Le sauvetage dramatique de 33 mineurs chiliens cet automne fut un événement médiatique suivi dans le monde entier. Son heureux dénouement est définitivement réjouissant. Néanmoins, lorsque les aboutissements sont plus dramatiques, comme dernièrement lors des accidents survenus en Nouvelle-Zélande, en Chine et en Turquie, où les mineurs ont été moins chanceux et ont perdu la vie, la presse a vite oublié.

Tout ce battage médiatique n’a pas suffit à attirer l’attention du public sur la dangerosité et les risques d’atteinte à la santé que comporte ce métier.

Les dangers du travail dans les mines

Lors de ma première visite dans une mine de charbon britannique avec un de mes collègues, l’ingénieur qui nous accompagnait nous déclara candidement que le travail dans une mine était comme celui du soldat au front. Le mineur part le matin sans savoir s’il reviendra indemne le soir. Comme par hasard, durant nos pérégrinations de six kilomètres sous la mer du Nord, la sirène nous alertait d’un autre accident nécessitant la mobilisation des brancardiers, à la grande déconvenue de notre hôte.

Le métier de mineur est l’un des plus dangereux, surtout dans les pays en voie de développement. Révisons rapidement ces risques.

La silice

La poussière de la silice cristalline, qui est le constituant majeur de la croûte terrestre, cause une maladie professionnelle appelée la silicose. Il s’agit d’un processus insidieux qui produit une fibrose pulmonaire qui provoque une perte de la capacité expansive du poumon et une diminution de transfert de l’oxygène aux poumons, augmente le risque de tuberculose, d’infections et de cancer. Un des mineurs rescapés au Chili souffre de cette maladie. Après le sauvetage, il a dû demeurer deux semaines à l’hôpital pour cause de pneumonie.

Autres risques

En plus de la silice, le mineur est exposé à une soupe complexe de multiples agents qui briseront sa santé, faisant en sorte qu’un mineur de 50 ans, s’il n’est pas déjà mort d’un cancer ou d’un accident, est souvent un être handicapé dans plusieurs de ses activités, tant professionnelles que de loisir.

Voici un aperçu des sources de danger auxquelles un mineur peut être exposé :

  • Les gaz d’échappement diésel (monoxyde de carbone, hydrocarbures aromatiques polycycliques – HAP, particules) : peuvent causer le cancer, des maladies pulmonaires chroniques et l’asphyxie (qui peut être mortelle ou entraîner des séquelles neurologiques ou des maladies cardiaques);
  • Les gaz d’explosions (oxyde d’azote) : peuvent entraîner une atteinte pulmonaire chronique et l’asthme irritatif;
  • Le méthane : peut provoquer des explosions (coups de grisou);
  • Le sulfure d’hydrogène : peut causer l’irritation des voies respiratoires et l’asphyxie;
  • L’absence d’oxygène (parfois causée par les émanations de dioxyde de carbone en provenance d’une mofette) (la mofette est une formation géologique se présentant sous forme de fissure ou de trou circulaire duquel émane le dioxyde de carbone) : peut entraîner la perte de conscience;
  • Les matières plastiques (formaldéhyde, isocyanate) : peuvent causer l’asthme, l’allergie et le cancer;
  • Les outils vibrants et rotatifs : peuvent entraîner une atteinte vasculaire des mains (syndrome des doigts blancs) et une atteinte neurologique des doigts;
  • Les radiations (émises par le radon présent dans plusieurs mines souterraines, en particulier les mines d’uranium) : peuvent causer le cancer du poumon;
  • Le bruit : peut causer du stress et entraîner la surdité.

En plus de tous ces dangers, il ne faut pas oublier les lésions les plus fréquentes, à savoir les lésions musculo-squelettiques : mal de dos ou mal de cou chronique, tendinites chroniques au niveau des poignets, des coudes et des épaules dues à la lourdeur des tâches et à de multiples accidents.

Enfin il ne faut pas mésestimer ni oublier les séquelles psychologiques. Comme chez les soldats, beaucoup de mineurs souffrent de stress post-traumatique. Ce sera probablement la conséquence majeure de l’épisode vécu par les mineurs chiliens.

Des retraites volées

J’ai rencontré plusieurs mineurs dans ma carrière. Ceux-ci, quand arrive l’âge de la retraite, souffrent de douleurs chroniques au cou, au dos, aux membres supérieurs, de sensibilité au froid due à leur maladie vasculaire, sans parler des maladies pulmonaires. Dans de telles conditions, il est souvent impossible de réellement jouir de la retraite.

Ces travailleurs des mines, qui ont créé une grande partie de la richesse canadienne par leur labeur et qui endurent à la fin de leur vie les séquelles de ce dur métier, méritent le plus grand des respects.

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