Chronique MT
Maladies du travail en bref
Septembre 2007
Chronique MT

Le plomb : un métal aux propriétés toxiques insidieuses

Dr Pierre Auger

Marc, 43 ans, est soudeur réparateur de radiateurs d’automobile. Il travaille dans ce domaine depuis qu’il a 15 ans. Suite à une prise de sang effectuée dans le cadre d’un programme de surveillance de l’équipe de santé au travail de son CLSC, il reçoit un appel du médecin de cette équipe, qui lui explique que son taux de plomb sanguin se situe à 2,41 µmol/L et que c’est élevé. Il doit être retiré du travail.

Le questionnaire médical fait réaliser à Marc qu’il est anormalement fatigué et sans entrain. Sa conjointe remarque qu’il éprouve des difficultés de concentration et de mémoire, qu’il est d’humeur dépressive et irritable, sans raison particulière, et que depuis deux ans il se plaint de douleurs musculaires généralisées. À l’occasion, il perçoit un goût métallique dans la bouche. Comme bien d’autres travailleurs et travailleuses, Marc est intoxiqué au plomb.

Un métal dévastateur pour la santé

Le plomb, contrairement au zinc par exemple, est un métal inutile au bon fonctionnement du corps humain. De plus, il a la malencontreuse habitude de s’accumuler dans plusieurs tissus, dont les os, de sorte que ses effets perdurent même après l’exposition. La réaction d’oxydation, lors du procédé de soudage, crée l’oxyde de plomb dont la toxicité est plus sérieuse que le plomb métallique pur.

Plusieurs systèmes peuvent être affectés par l’accumulation du plomb :

  • Le système nerveux central - Les atteintes peuvent apparaître même si le taux de plomb dans le sang est bas ou modéré. La symptomatologie se caractérise par de la fatigue, des maux de tête, des étourdissements, de l’impuissance, une diminution de la libido et un état dépressif et d’irritabilité inexpliqué. Plus tard, des tremblements peuvent apparaître, accompagnés de perte de mémoire et de concentration;
  • Les nerfs périphériques - Dans certains cas, les victimes d’une intoxication au plomb développent des faiblesses localisées aux mains ou aux pieds;
  • Le tube digestif - Les répercussions sur le tube digestif se manifestent par une perte d’appétit, des douleurs gastriques et des crampes abdominales, jointes à une alternance de constipation et de diarrhée. Ces manifestations s’observent habituellement à des concentrations de plomb plus élevées;
  • Les reins - Des études scientifiques récentes démontrent qu’une exposition à des niveaux très faibles de plomb (0,24 µmol/L) suffisent pour faire courir un risque de souffrir, dans un futur plus ou moins rapproché, de complications rénales;
  • Mortalité par maladies cardio-vasculaires - De récentes études épidémiologiques établissent de façon très convaincante que des adultes, dont la concentration de plomb dans le sang est particulièrement faible (bien en dessous des niveaux décelés dans les milieux de travail) risquent de mourir de complications de maladies cardio-vasculaires, soit cardiaques ou neurologiques. Les auteurs de ces travaux viennent de lancer un cri d’alarme et demandent aux autorités d’abaisser les niveaux réglementaires car, selon eux, ils ne protègent pas la santé des travailleurs et travailleuses;
  • Le système reproducteur - Le plomb entraîne des effets nocifs sur la production et la structure des spermatozoïdes des hommes et il diminue la fécondité des femmes. Il est connu depuis longtemps que les fœtus et les bébés naissants sont très vulnérables à une exposition au plomb, qui peut causer une atteinte du développement neuro-mental (chute du quotient intellectuel) ou la mort fœtale;
  • Le cancer - Le plomb est soupçonné de faciliter l’apparition de cancers lors d’exposition à une autre substance cancérigène;
  • Autres systèmes - Des scientifiques ont relevé une atteinte de la thyroïde et du système immunitaire chez des personnes exposées au plomb.
Les sources d’exposition au travail

Les travailleurs et les travailleuses sont exposés au plomb dans plusieurs industries. En effet, le plomb est utilisé dans la soudure des radiateurs d’automobile, dans la fabrication de batteries ou de munitions, dans les dispositifs de protection contre les radiations nucléaires et dans les joints pour câble dans l’industrie de l’énergie et des communications. On peut aussi trouver du plomb dans les fumées des fonderies ou des fabriques de laiton ou de bronze. Le plomb entre également dans la composition de glaçures céramiques, de stabilisants de plastiques et de certaines peintures industrielles dont celles qui sont destinées aux ponts en acier.

Prévention

Évidemment, la meilleure protection est d’éviter toute exposition. Le captage à la source du contaminant minimise les risques. Si cela s’avère impossible, le port temporaire d’une protection respiratoire adéquate, ajoutée à une politique de soutien et d’évaluation d’étanchéité peut aider, en attendant une amélioration de l’environnement de travail. Un programme de surveillance sanguine doit aussi s’additionner à ces démarches. Enfin, il est fortement recommandé que les travailleurs et travailleuses portent des vêtements de protection, qui devront être nettoyés au travail, et qu’ils et elles prennent une douche avant de revêtir leurs vêtements de ville à la fin de leur quart de travail, afin d’éviter de provoquer des intoxications par le transport de poussières contaminées à la maison.

Conclusion

Le plomb est un toxique particulièrement dangereux, même à des concentrations considérées « faibles ». Il est donc impératif que les normes d’exposition soient abaissées. Il faut aussi exiger une meilleure surveillance des conditions de travail et de la santé des travailleuses et travailleurs exposés.

Pour plus d'information sur le plomb

Le Dr Auger est spécialiste en médecine du travail.

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