Les nanomatériaux sont des matières ou des particules extraordinairement petites. Leur dimension varie entre 1 et 100 nanomètres, soit de 1 000 à 100 000 fois plus petite que le diamètre d’un cheveu.
Des nanoparticules se retrouvent dans la nature, les poussières de silice par exemple, mais elles peuvent aussi être fabriquées et leur utilisation dépend des propriétés qu’elles possèdent. En effet, les produits qui peuvent être développés grâce à la nanotechnologie peuvent présenter des caractéristiques inédites. Ils peuvent par exemple être de meilleurs conducteurs électriques, posséder des propriétés optiques uniques, disposer d’une plus grande force, etc.
Ces caractéristiques donnent à ces produits de multiples applications, telles la production de cellules solaires, de peintures, de colorants, de crèmes solaires, de bétons spéciaux ou même de différentes thérapies médicales. En 2014, l’Institut Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail (IRSST) estimait que 10 % des emplois manufacturiers seraient liés aux nanotechnologies en 2015 et que 2 000 produits commercialisés contiendraient des nanomatériaux.
Il y a donc de plus en plus de travailleuses et de travailleurs exposés à ces matériaux. Leur absorption se fait surtout par les voies respiratoires, par la peau et, plus rarement, par ingestion.
En raison de leur développement relativement récent, il existe peu d’études sur les effets à long terme des nanomatériaux sur la santé humaine. On sait toutefois que les nanomatériaux pourraient traverser la peau intacte et qu’ils pénètrent loin dans les poumons. En raison de leur petite taille, les nanoparticules peuvent franchir les membranes pulmonaires, se trouver dans le sang et donc être transportées partout dans le corps, produisant des effets qui peuvent mettre la santé en danger.
Selon l’IRSST, plusieurs études démontrent que la toxicité des nanomatériaux est différente de celle de produits chimiques de plus forte taille. Par exemple, des études chez les animaux suggèrent que certains nanomatériaux causent plus d’inflammation et de tumeurs pulmonaires que les mêmes produits à plus forte taille. D’autres effets possibles mentionnés sont des fibroses pulmonaires et des effets cardiaques.
Un rapport scientifique produit par l’IRSST en 2017 ajoute qu’il est fort probable que les nanoparticules constituent un facteur aggravant pour certaines maladies pulmonaires comme l’asthme. Le rapport mentionne que d’autres recherches traitent du rôle potentiel des nanoparticules en relation avec les maladies pulmonaires obstructives chroniques et la fibrose kystique.
Comme le développement de cette technologie est relativement récent, il est probable que des études futures permettront d’identifier d’autres effets sur la santé.
Une autre source d’incertitude concernant les effets des nanomatériaux sur la santé est la difficulté de les mesurer dans l’air. Il est donc difficile de quantifier les risques qu’ils présentent comme on peut le faire avec d’autres contaminants.
Devant ces incertitudes, les différentes organisations spécialisées en prévention suggèrent une approche qui suit le principe de précaution, suivant lequel en cas de risque de dommages graves ou irréversibles, l’absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l’adoption de mesures de prévention effectives.
Au Québec, les employeurs ont obligation de fournir un milieu de travail sécuritaire. C’est pourquoi ils devraient développer un programme de prévention dans tout milieu de travail où des nanomatériaux sont manipulés. Un tel programme doit tenir compte des caractéristiques spécifiques des nanomatériaux afin de s’assurer que les moyens de prévention mis en place soient adaptés aux risques spécifiques des différents procédés.
De façon générale, les mesures de prévention à instaurer en milieu de travail sont les mêmes que celles qui existent pour tout contaminant chimique de plus forte taille. Ce sont les suivants, en ordre décroissant d’efficacité :
En conclusion, l’utilisation des nanotechnologies est une avenue prometteuse à certains égards en raison des caractéristiques uniques des nanomatériaux. Toutefois, l’implantation de cette nouvelle technologie en milieu de travail n’est pas sans conséquence pour la santé des travailleuses et travailleurs.
Bien que des données scientifiques permettant de documenter les effets sur la santé à long terme soient incomplètes, il n’y pas de doute concernant la nécessité d’appliquer le principe de précaution et de doter tous les milieux de travail où les nanomatériaux sont manipulés de moyens de prévention efficaces. Les incertitudes sur les effets sur la santé à long terme des nanomatériaux ne doivent pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l’adoption de moyens de prévention efficaces.
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1 California Nanosafety Consortium of Higher Education, Nanotoolkit : Working Safely with Engineered Nanomaterials in Academic Research Settings, 2012.
2 IRSST, Les effets sur la santé reliés aux nanoparticules, 2e édition; IRSST; 2008.
3 IRSST, Nanomatériaux : Guide de bonnes pratiques favorisant la gestion des risques en milieu de travail, 2e édition, IRSST, 2014.
4 Denis Girard, Maxime Marion-Murphy, Activation des éosinophiles humains par des nanoparticules, Rapport scientifique R-990, IRSST, 2017.
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Norman King est détenteur d'une Maîtrise ès sciences en Épidémiologie.