Depuis quelques décennies, les médecins reçoivent de plus en plus de patients qui présentent des symptômes déroutants suite à une exposition à une large panoplie de différents produits chimiques et odeurs. Se manifestant par une réaction polysystémique (qui touche plus d’un organe ou système), ce syndrome porte plusieurs noms.
On le nomme parfois « perte de tolérance aux produits chimiques », « polytoxicosensibilité » ou « syndrome environnemental idiopathique ». En anglais, on rencontre l’appellation « Multiple Chemical Sensitivity » (MCS). Cette maladie touche environ 3% de la population canadienne.
Le patient est habituellement un adulte âgé entre 18 et 55 ans mais il peut s’agir à l’occasion d’un enfant. Les femmes sont davantage touchées que les hommes.
C’est à la suite d’une exposition chronique ou aiguë à un agent neurotoxique comme les solvants, le monoxyde de carbone, les métaux lourds ou un agent irritant tel le chlore ou l’ammoniac que le syndrome apparaît. La victime devient tout à coup sensible à de fortes odeurs et à un ensemble de produits chimiques (parfums, essence, peinture, diésel, fumée de cigarette, désodorisant, crayons feutres, vernis à ongles, insecticides, shampoing, photocopieur, gaz de combustion, etc.).
Lorsque la personne atteinte est exposée à ces produits, elle développe un ensemble de symptômes qui sont d’abord neuropsychologiques (problème de mémoire, de concentration mentale, obnubilation, irritabilité, désorientation, angoisse, vertige, vision trouble) qui sont toujours suivis d’une fatigue intense qui peut perdurer plusieurs heures voire quelques jours.
Ensuite, les symptômes s’étendent à d’autres systèmes, tels les voies respiratoires (essoufflement, toux, voix rauque, irritation du nez et de la gorge avec signes de rhinite), le système musculosquelettique (douleurs et faiblesses musculaires diffuses), le tube digestif (nausées, diarrhées), la peau (réactions cutanées non spécifiques), le cœur (palpitations anormales) et le système génito-urinaire (urgences urinaires). De plus, ces patients deviennent intolérants au bruit, à la caféine, à l’alcool, aux médicaments et à certains aliments.
Enfin, plusieurs de ceux-ci évolueront vers un tableau de fatigue chronique.
L’OMS (Organisation mondiale de la santé) reconnaît depuis les années quatre-vingt l’existence d’une atteinte du cerveau suite à une exposition prolongée à des agents neurotoxiques. En effet, plusieurs épisodes d’expositions aiguës ou chroniques à des agents tels les solvants, les pesticides ou le formaldéhyde ont déclenché la maladie dans des groupes de travailleurs homogènes.
Le syndrome se caractérise par une atteinte des fonctions cérébrales supérieures et la plupart de ces travailleurs souffrent de cette perte de tolérance aux produits chimiques.
Pour expliquer la maladie, plusieurs écoles s’affrontent. Certains évoquent une atteinte du système immunologique sous forme de perte de tolérance suite à une accumulation d’expositions aux produits chimiques au cours des années (c’est-à-dire une nouvelle forme d’allergie). D’autres en font une maladie strictement psychiatrique.
Il est de l’opinion de l’auteur de cet article qu’il peut s’agir selon les circonstances de causes psychologiques, telle la peur engendrée lors d’exposition sur-aiguë à un toxique, ou strictement organique dans les cas de travailleurs exposés chroniquement à ces produits. Le mécanisme qui me semble le plus plausible est celui d’une atteinte du système limbique.
Il s’agit d’un endroit situé dans les profondeurs du cerveau qui contrôle la mémoire et les émotions dont le dérèglement peut entraîner des réactions dans tout l’organisme. Il a été démontré chez l’animal que l’exposition répétée à des substances chimiques ou des situations de stress entraîne une hyperréactivité de cette zone du cerveau.
Le traitement de cette maladie est difficile. Il m’est impossible d’approfondir cet aspect à l’intérieur du cadre de cet article. Néanmoins il est très important de ne pas rejeter ces malades sous prétexte qu’ils ne remplissent pas les critères habituels de maladies classiques.
Le médecin, tout comme les proches, doivent d’abord être empathiques pour aider la victime à supporter une maladie qui peut devenir très débilitante.
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Le Dr Auger est spécialiste en médecine du travail.