Chronique MT
Maladies du travail en bref
Mars 2010
Chronique MT

Le travail d'entretien ménager et de maintenance

Dr Pierre Auger

Au Canada, le travail d’entretien ménager et de maintenance occupe la huitième place des classes d’emploi chez les hommes et la dixième chez les femmes. Ces travailleurs et travailleuses sont souvent oubliés par les équipes d’intervention en santé au travail et par les chercheurs. En effet, la littérature scientifique s’intéressant à ce type de travail n’est pas très riche. Les travailleuses et travailleurs de l’entretien ménager et de la maintenance sont souvent recrutés parmi les nouveaux arrivants qui connaissent mal les ressources et les lois de leur pays d’accueil, ce qui les rend vulnérables. Comme vous pourrez le lire dans cet article, les conditions de travail de ces employés sont la cause de plusieurs maladies et accidents.

Les troubles musculo-squelettiques

Le travail d’entretien ménager et de maintenance est très exigeant pour le système musculo-squelettique. Une étude récente de l’université de Colombie Britannique peint un tableau détaillé des contraintes auxquelles sont exposés les travailleurs et travailleuses de l’entretien de plusieurs écoles de cette province. Les chercheurs ont évalué que ces travailleurs et travailleuses passent jusqu’à 50 % du temps de travail à balayer et à passer la vadrouille humide, jusqu’à 20 % du temps à nettoyer les toilettes, jusqu’à 10 % du temps à vider les poubelles et jusqu’à 5 % du temps à nettoyer les vestiaires, épousseter et déplacer des meubles ou des fils traînant au sol.

Ces tâches comportent des risques de lésions tendineuses, musculaires et articulaires en raison de fréquentes flexions du tronc, de manipulations de charges légères ou lourdes et du travail avec les bras au dessus des épaules. Les lésions aux épaules, aux coudes, aux poignets, au dos et aux membres inférieurs sont quatre fois plus fréquentes chez les travailleurs et travailleuses de l’entretien que pour l’ensemble des travailleurs et travailleuses de ces écoles. De plus, une vaste enquête menée au Québec a révélé une prévalence accrue d’ostéoarthrose chez les travailleuses et travailleurs de l’entretien.

Les maladies respiratoires

Plusieurs investigations menées en Europe et aux États-Unis ont clairement démontré que les travailleuses et travailleurs de l’entretien ménager et de la maintenance risquent de souffrir d’asthme professionnel. Les agents coupables sont souvent les aérosols, les eaux de javel, les nettoyants qui contiennent des amines, des dérivés benzylakonium et des désinfectants comme le chlohexidine.

Notons aussi que des travailleurs et des travailleuses devant manipuler ou s’exposer à de l’amiante friable ont développé des problèmes pulmonaires liés à cette exposition.

Les maladies cutanées

Le fait d’avoir à travailler continuellement dans l’eau peut entrainer un desséchement de la peau et occasionner une dermite par sécheresse. De plus, de nombreux ingrédients se retrouvant dans les savons sont des allergènes cutanés reconnus, comme des dérivés amines, des isothiazolinones, des fragrances ou des libérateurs de formaldéhyde tels le composé bromonitropropanediol, la tartrazine et bien d’autres. L’exposition à ces produits peut entrainer des maladies de la peau.

Le stress psychologique et les maladies cardiaques

L’objectif même du travail d’entretien ménager, soit de produire un environnement libre de toute saleté et contaminant, est un générateur de stress constant. Il s’agit aussi d’une besogne peu valorisée et peu valorisante, ce qui ajoute à la détresse.

Quelques rares études ont également indiqué un taux plus élevé de maladies cardiaques chez ces travailleuses et travailleurs.

Comment s’en sortir

Une recherche très intéressante effectuée en Suède a démontré qu’en améliorant l’organisation du travail, il était possible de diminuer les risques pour les travailleurs et les travailleuses. On a comparé les lésions professionnelles et l’état de stress psychologique chez deux groupes de travailleurs et travailleuses de l’entretien en milieu hospitalier qui œuvraient dans deux modes opérationnels différents.

Le premier groupe comprenait des équipes de 20 personnes dirigées par un superviseur nommé par la direction, alors que le deuxième groupe était constitué de plus petites équipes où le superviseur était nommé par les travailleurs et travailleuses. Le deuxième groupe s’était vu allouer la responsabilité du nettoyage d’un territoire précis, les travailleuses et travailleurs ayant la latitude de travailler seuls ou par paire. Après deux ans et demi de suivi, on a constaté que le deuxième groupe souffrait beaucoup moins de lésions professionnelles. Ces travailleurs et travailleuses jouissaient d’un meilleur environnement psychologique et sentaient une plus grande latitude pour accomplir leur tâche. Des tests électro-musculaires ont de plus prouvé que l’effort qu’ils fournissaient était moindre que chez ceux et celles du premier groupe.

Des améliorations ergonomiques peuvent également améliorer le sort des travailleuses et travailleurs. Par exemple, l’utilisation de balais à manches recourbés ou de vadrouilles plus légères, fabriquées avec des matériaux plus glissants, peuvent réduire les lésions. Malheureusement, ce genre de matériel demeure encore rare et peu disponible.

Conclusion

N’oublions jamais ces femmes et ces hommes qui arrivent souvent en silence et en catimini pour nettoyer les bureaux, les locaux et les endroits publics. Ils font un travail exigeant pour lequel ils risquent de souffrir d’accidents et de maladies du travail comme tout autre travailleuse ou travailleur.

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Le Dr Auger est spécialiste en médecine du travail.

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