Le comité de direction de la CNÉSST a adopté des modifications importantes à ses politiques et orientations en matière d’indemnisation. Ces changements, qui sont déjà en vigueur, auront plusieurs impacts. Ils inciteront les employeurs à contester davantage, ils auront des conséquences sur la négociation d’accords et ils feront en sorte que la CNÉSST pourra exiger, dans certains cas, le remboursement d’indemnités de remplacement du revenu et de frais d’assistance médicale reçus antérieurement.
Les modifications adoptées touchent trois politiques: la politique 7.02 sur Le recours au Bureau d’évaluation médicale, la politique 5.00 sur Le droit à l’assistance médicale et la politique 2.05 sur Le recouvrement des prestations versées en trop.
La première modification résulte des nombreuses décisions du tribunal auxquelles la CNÉSST a finalement décidé de se conformer. En effet, lorsqu’un avis du BÉM conclut qu’une lésion est consolidée à une date antérieure, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle, ce sera dorénavant la date à laquelle la CNÉSST informe la travailleuse ou le travailleur de sa capacité de travail et de la fin de son droit à l’assistance médicale qui sera la date à laquelle prendra fin le droit à l’indemnisation et aux traitements, et non la date de consolidation de la lésion comme c’était le cas auparavant. Les indemnités et les frais d’assistance médicale auront donc été reçus « avec droit ».
De ce fait les indemnités et les frais d’assistance médicale pour la période qui se situe entre la consolidation médicale et la décision de la CNÉSST demeureront imputés au dossier de l’employeur plutôt que d’être assumés par le fond général, comme c’était le cas avant. On peut présumer que devant l’ajout de ces coûts, les employeurs seront portés à aller au BÉM rapidement dès la survenance de la lésion. De plus, comme la CNÉSST a revu les relevés d’imputation des employeurs de façon à leur permettre de contester toute décision (chaque avis de paiement) d’accorder des prestations d’assistance médicale et de rembourser des frais de déplacement et de séjour, une nouvelle source de contestation vient de naître.
Les modifications apportées à ce chapitre pourraient donner lieu à la réclamation de sommes astronomiques auprès des travailleuses et des travailleurs puisque la CNÉSST détermine que, dans ces cas spécifiques, les indemnités de remplacement du revenu ou les frais d’assistance médicale auraient été reçus « sans droit ».
Suite à un avis du BÉM ou à un rapport complémentaire du médecin traitant, il arrive que le diagnostic d’une lésion professionnelle soit modifié et, dans ces cas, il n’est pas rare que la CNÉSST revoie sa décision initiale et refuse rétroactivement la lésion avec le nouveau diagnostic. En vertu de sa nouvelle politique, la CNÉSST exigera le recouvrement complet des indemnités reçues dans une telle situation puisque dorénavant elle jugera que ces indemnités ont été reçues « sans droit » et cela même si la décision initiale date de plusieurs mois voire même années.
La CNÉSST prétend que, dans ces cas, il s’agit d’une nouvelle décision et non pas d’une reconsidération de sa décision initiale. Ainsi, même si la loi prévoit qu’elle ne peut exiger le remboursement des indemnités de remplacement du revenu (à l’exception des 14 premiers jours d’incapacité) suite à une reconsidération, une révision ou au renversement d’une décision par le tribunal, sauf en cas de mauvaise foi avérée, elle n’en tient pas compte parce que pour elle, il s’agit d’une « nouvelle décision ».
Cette nouvelle politique va totalement à l’encontre de l’esprit de la loi et aura des conséquences graves pour les travailleuses et les travailleurs qui pourraient être tenu de rembourser des dizaines de milliers de dollars et être acculés à la faillite. Rien ne justifie que des travailleuses et des travailleurs, dont la lésion n’est plus reconnue suite à un avis du BÉM, aient à rembourser les indemnités reçues alors que ceux dont l’admissibilité de la lésion est renversée par la révision administrative ou par le tribunal sont protégés par la loi contre le recouvrement au-delà des 14 premiers jours.
*** ATTENTION *** : le 28 septembre 2015, la CNÉSST a décidé de reculer sur cette question suite aux vives protestations qui ont été faites. En effet, si la CNÉSST refuse rétroactivement la lésion professionnelle avec le nouveau diagnostic émis par le BÉM, elle n'exigera pas le recouvrement complet des indemnités de remplacement du revenu reçues, mais seulement les 14 premiers jours. Les mesures touchant les autres prestations (voir section suivante) demeurent toutefois en vigueur.
La nouvelle politique prévoit aussi que dorénavant la CNÉSST pourra réclamer les frais d’assistance médicale et autres frais, incluant les taxes, payés par la CNÉSST si une décision du tribunal déclare que la travailleuse ou le travailleur n’avait pas le droit à l’assistance médicale à compter d’un certain moment (s’il devance une date de consolidation par exemple et déclare que les traitements n’étaient plus justifiés). Pour la CNÉSST, ces frais d’assistance médicale auront été reçus « sans droit ». On parle ici des frais de professionnels de la santé (médecins, physiothérapeutes, etc.), des frais d’établissement de santé privés (ex. : radiologie), des médicaments et autres produits pharmaceutiques, des orthèses et prothèses, des soins et traitements et des frais de déplacement et séjour.
Encore ici, des travailleuses et des travailleurs pourraient devoir rembourser plusieurs milliers de dollars malgré qu’ils aient reçus ces traitements, médicaments, etc. de bonne foi. Par ailleurs, la perspective de tels remboursements aura certainement un effet dissuasif lorsque les travailleuses et travailleurs devront prendre la décision de contester ou non une décision de la CNÉSST.
Notons finalement une certaine contradiction entre cet aspect de la nouvelle politique et le changement apporté concernant les avis du BÉM consolidant la lésion sans séquelles à une date antérieure qui eux n’ont plus d’effet rétroactif sur le droit à l’assistance médicale puisque l’assistance médicale reçue dans ce cas l’a été « avec droit ».
Certaines de ces modifications risquent d’amener bien des travailleuses et des travailleurs à renoncer à l’exercice de leurs droits et, dans le cas où ils les exerceront, cela pourrait même entraîner des faillites.
Il est donc de la plus haute importance de prendre connaissance plus à fond de ces nouvelles modifications car elles auront des impacts importants pour les travailleuses et les travailleurs dont il faudra tenir compte lors de la contestation de plusieurs décisions de la CNÉSST, mais également lors de la négociation d’accord avec les employeurs En effet, un accord entériné par le tribunal (donc une décision du tribunal) fixant une date de consolidation antérieure sans nécessité de traitement, pourra dorénavant entraîner le recouvrement des frais d’assistance médicale reçus depuis la date de consolidation.