Rapport dévastateur de la Vérificatrice générale du Québec sur la CNÉSST

VGQ-Rapport-mai-2019Le 16 mai 2019, la Vérificatrice générale déposait à l’Assemblée nationale son rapport du mois de mai. Le chapitre 3 du document porte entièrement sur l’action de la CNÉSST en matière de santé et de sécurité du travail.

Produit sur la base d’un examen des activités de la CNÉSST, réalisé de juin 2018 à avril 2019, le rapport est assez dévastateur pour la Commission. Il énonce en effet de très nombreux manquements de la CNÉSST en ce qui concerne la prévention des lésions professionnelles et l’inspection des milieux de travail. Il est à noter que ni la CNÉSST, ni les membres de son conseil d’administration n’ont réagi publiquement au dépôt de ce rapport.

D’après la Vérificatrice générale, la CNÉSST n’assume pas son rôle et n’exerce pas de leadership pour la prévention des accidents et des maladies du travail. On constate que l’importance que la Commission accorde à la prévention dans ses plans stratégiques diminue au fil des années. Cette négligence de la prévention a des conséquences, puisque le taux de lésions professionnelles augmente : il est passé de 27,6 à 30,9 lésions professionnelles par 1 000 travailleuses et travailleurs entre 2015 et 2018. Notons qu’il ne s’agit là que des lésions acceptées par la CNÉSST.

Le rapport met en lumière quantité de mauvaises pratiques de la CNÉSST. Par exemple, on y déplore le fait que le déploiement des quatre mécanismes de prévention prévus par la Loi sur la santé et la sécurité du travail (LSST), qui devaient s’appliquer progressivement à tous les milieux de travail, se soit arrêté à certains groupes prioritaires. Près de 40 ans après l’adoption de la LSST, environ les trois quarts des travailleuses et des travailleurs ne sont pas couverts par l’ensemble des mécanismes de prévention.

La Vérificatrice générale indique aussi le fait qu’aucune nouvelle maladie professionnelle n’ait été ajoutée à la liste de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (LATMP) depuis 1985, malgré l’évolution des connaissances médicales. Le rapport souligne que cette absence de mise à jour de la liste a des impacts en prévention, puisque les employeurs sont moins enclins à agir pour prévenir des maladies qui ne sont pas officiellement reconnues par la liste.

En ce qui concerne les inspections en milieu de travail, le rapport souligne de nombreux problèmes. On constate notamment que la force de travail réelle consacrée par la CNÉSST aux inspections en milieux de travail a diminué de 10 % entre 2009 et 2018, alors que le nombre d’employeurs augmentait de 20 % pendant la même période. Autrement dit, alors que le nombre d’entreprises à inspecter augmentait, la CNÉSST a réduit le travail d’inspection.

Le rapport signale aussi des problèmes de mise à jour des connaissances des inspecteurs et d’encadrement des inspections par la Commission. Enfin, on questionne sérieusement la pratique de la CNÉSST d’aviser systématiquement l’employeur avant une visite, ce qui ne se fait pas dans de nombreuses autres juridictions.

La Vérificatrice générale discute également du rôle des employeurs et des mutuelles de prévention, pour souligner le risque que les employeurs déploient plus d’efforts à contester les lésions professionnelles qu’à les prévenir. Il est aussi mentionné que les employeurs peuvent être incités à décourager les réclamations de la part de victimes de lésions professionnelles pour éviter l’augmentation de leur prime d’assurance.

Le rapport contient enfin une longue liste de recommandations pour corriger la situation et changer les pratiques de la CNÉSST en matière de prévention.

Notons qu’il ne s’agit pas du premier rapport de la Vérificatrice générale constatant des problèmes à la CNÉSST. En effet, un précédent rapport, publié en 2015, avait déjà soulevé de nombreuses lacunes dans les pratiques de la Commission. Si le rapport de mai 2019 indique que certains de ces problèmes ont été corrigés depuis, beaucoup d’éléments identifiés à l’époque ne sont pas réglés et demeurent problématiques aujourd’hui. Pour ne donner qu’un exemple, les normes d’exposition au bruit et à l’amiante n’ont pas été changées depuis le précédent rapport, alors que celui-ci relevait déjà le fait qu’elles étaient beaucoup trop permissives.

Souhaitons que cette fois-ci la CNÉSST applique ces recommandations de façon plus soutenue qu’elle ne l’a fait pour celles contenues au rapport de 2015, mais si le passé est garant de l’avenir, on peut malheureusement en douter...

 

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